<196> désormais, ne produiraient qu'une effusion de sang inutile. La raison m'avertit de penser à ma propre sûreté; de considérer le grand armement des Russes, qui menace le royaume du côté de la Courlande; l'armée que M. de Traun commande sur le Rhin, qui pourrait aisément refluer vers la Saxe; l'inconstance de la fortune; et enfin, que, dans la circonstance où je me trouve, je ne puis m'attendre à aucun secours de la part de mes alliés. Les Autrichiens et les Saxons viennent d'envoyer ici des ministres pour négocier la paix; je n'ai donc d'autre parti à prendre que de la signer. Après m'être donc acquitté ainsi de mon devoir envers l'État que je gouverne et envers ma famille, aucun objet ne me tiendra plus à cœur que de pouvoir me rendre utile aux intérêts de Votre Majesté. Puisse-je être assez heureux que de servir d'instrument à la pacification générale! Votre Majesté ne pourra confier ses vues à personne qui lui soit plus attaché que je le suis, ni qui travaille avec plus de zèle à rétablir la concorde et la bonne intelligence entre les puissances que ces longs démêlés ont rendues ennemies. Je la prie de me conserver son amitié, qui me sera toujours précieuse, et d'être persuadée que je suis etc.
C'était se congédier honnêtement, et alléguer des raisons si valables, qu'il aurait été impossible au Français d'y répondre.
Cependant les Autrichiens et les Saxons étaient encore aux environs de Pirna; il fallait les éloigner davantage, pour travailler plus tranquillement à la paix. Dans cette vue, M. de Retzow fut détaché avec cinq bataillons et quelque cavalerie du côté de Freyberg; la jalousie qu'il donnait de ce côté, accéléra la retraite des alliés en Bohême. Les troupes saxonnes faisaient à peine quinze mille hommes : le roi de Pologne, dénué de ses revenus, n'avait plus d'argent pour les payer; il ne pouvait pas attendre jusqu'au printemps que les Russes se missent en mouvement : il sentait la nullité de ce secours; enfin la nécessité du moment le forçait à consentir à la paix.