<32> signer sans chicane. Ces plénipotentiaires se servirent de termes équivoques pour marquer les limites du Canada, sur lesquelles roulait le litige : ce que la France gagnait par cette paix valait plus que toutes ses possessions dans cette contrée stérile. Mais dès que les troubles de l'Europe furent apaisés, les Anglais et les Français interprétèrent chacun à leur avantage l'article des limites de leurs possessions de l'Amérique. Il y eut quelques débats entre les colonies de ces deux nations, sans cependant que ces querelles sourdes dégénérassent en hostilités ouvertes. Par le traité de paix d'Aix-la-Chapelle, on aurait dû aplanir toutes ces différences. M. de Saint-Séverin et ses collègues, qui y étaient de la part de la France, obligés par les ordres réitérés de la cour d'accélérer la prompte signature des préliminaires, renvoyèrent la discussion des limites de ces colonies à l'examen de commissaires que les deux cours nommeraient après la conclusion de la paix : ces commissaires s'assemblèrent, mais loin que leurs conférences rapprochassent les esprits des deux nations, le mécontentement et l'aigreur n'allèrent qu'en augmentant. L'ambassade du duc de Mirepoix, et la négociation qu'il entama à Londres, ne produisit rien : chaque peuple reprochait à l'autre sa mauvaise foi; les troupes anglaises et françaises dans l'Amérique en venaient à des hostilités; elles s'enlevaient mutuellement des forts; ils se faisaient déjà la guerre sans se l'être déclarée. Dans les relations de ces contrées, les officiers anglais ne manquaient pas de rejeter la faute de leurs violences sur les Français; ils envoyaient chacun des factums pour justifier leur conduite; la ville de Londres en était inondée.
Cette nation, facile à s'enflammer lorsqu'elle croit avoir à se plaindre de la France, déjà mécontente de la paix d'Aix-la-Chapelle, ne respirait que la guerre : la conduite du duc de Cumberland acheva de rendre cette fermentation générale. Il voyait que le grand âge du roi son père l'approchait des bornes de la vie; pour augmenter son crédit, et pour avoir plus d'influence dans le règne suivant, il avait