<39>L'union que les maisons d'Autriche et de Bourbon venaient de former, commençait à donner des soupçons que le traité de Londres pourrait ne pas maintenir la tranquillité de l'Allemagne : la paix ne tenait plus qu'à un cheveu; il ne s'agissait que d'un prétexte, et quand il ne faut que cela, la guerre est autant que déclarée; bientôt elle parut inévitable, car on apprit que tous les politiques s'étaient trompés sur le compte de la Russie. Cette puissance, où les intrigues des ministres autrichiens prévalurent, rompit avec l'Angleterre en haine de l'alliance que le roi de la Grande-Bretagne avait conclue avec le roi de Prusse. M. de Bestusheff s'était trouvé un moment indécis entre sa passion des guinées, et la haine qu'il avait pour le Roi; mais la haine l'emporta. L'impératrice Élisabeth, ennemie de la nation française depuis la dernière ambassade de M. de La Chétardie, aima mieux se liguer avec elle que de conserver une ombre d'union avec une puissance qui avait la Prusse pour alliée : la cour de Vienne, agissant dans toutes les cours de l'Europe, profitait des passions des souverains et de leurs ministres, pour les attiser, et les gouverner selon les fins qu'elle se proposait.
Durant ces revirements de systèmes si subits et si inattendus, les vaisseaux anglais ne gardaient plus de ménagements envers les Français : leurs vexations et les attentats qu'ils commettaient, poussèrent le roi de France presque malgré lui à leur déclarer la guerre. Les Français annoncèrent avec ostentation qu'ils se préparaient à faire de leur côté une descente en Angleterre; ils répandirent des troupes le long des côtes de la Bretagne et de la Normandie; ils firent construire des bateaux plats, pour transporter ces troupes, et ils assemblèrent quelques vaisseaux à Brest. Ces ostentations épouvantèrent les Anglais; il y eut des moments où cette nation, qui passe pour si sage, se crut perdue. Le roi George, pour la rassurer, eut recours à des troupes hanovriennes et hessoises, qu'il fit passer dans le royaume. On prit ainsi le change à Londres; les Français y trouvèrent leur