<XI>portez qu'en sacrifiant des quinze et des vingt mille hommes, ce qui fait une brèche cruelle dans une armée. Les recrues, supposé que vous en trouviez en abondance, réparent le nombre, mais non pas la qualité des soldats que vous avez perdus. Votre pays se dépeuple en renouvelant votre armée; vos troupes dégénèrent, et si la guerre est longue, vous vous trouvez, à la fin, à la tête de paysans mal exercés, mal disciplinés, avec lesquels vous osez à peine paraître devant l'ennemi. A la bonne heure, qu'on s'écarte des règles dans une situation violente : la nécessité seule peut faire recourir aux remèdes désespérés, comme on donne de l'émélique au malade lorsqu'il ne reste aucune autre ressource pour le guérir. Mais passé ce cas, il faut, selon mon sentiment, y procéder avec plus de ménagement, et n'agir qu'à poids et mesure, parce que celui qui à la guerre donne le moins au hasard, est le plus habile.
Il ne me reste plus qu'un mot à dire sur le style que j'ai adopté. J'ai été si excédé du Je et du Moi, que je me suis décidé à parler en troisième personne de ce qui me regarde. Il m'aurait été insupportable, dans un aussi long ouvrage, de parler toujours de moi en mon propre nom. Du reste, je me suis fait une loi de m'attacher scrupuleusement à la vérité, et