<134> le temps d'avertir, et d'attendre des secours. Pour les Russes, leur lenteur ordinaire et leur peu de penchant aux entreprises vigoureuses donnait un temps suffisant pour qu'en cas de besoin le Roi pût attirer à soi le margrave Charles. Sa Majesté prit son camp entre Klein-Wandris et Wahlstatt; elle le fit retrancher avec soin, pour ne point être pris au dépourvu, et l'on raccommoda une vieille redoute au Wirchenteich, pour assurer par là d'autant mieux la communication des deux armées prussiennes.
Le lendemain, un nouveau camp se présenta derrière Jauer. Il ne suffisait pas de savoir que c'étaient des Autrichiens; il fallait pénétrer à quel but ce corps s'était tourné de ce côté. Pour cet effet, on déguisa un officier et trois hussards qui savaient un peu de russe, en Cosaques, et ils se glissèrent de grand matin dans le camp de Jauer, sous prétexte qu'ils s'étaient égarés à la reconnaissance, faute de bien savoir les chemins. L'officier autrichien qui était de garde, leur fit toutes sortes de civilités, et leur dit qu'ils étaient d'un détachement de six mille hommes sous les ordres de M. Brentano, commandés pour couvrir l'artillerie autrichienne que M. Loudon avait fait avancer dans ce lieu pour l'avoir plus à portée de s'en servir au cas que les Prussiens attaquassent les Russes; et que, dès que cela arriverait, les Autrichiens se mêleraient de l'affaire, où assurément le roi de Prusse, accablé par deux armées impériales, serait obligé de succomber.
M. de Buturlin décampa le jour suivant; il passa près de Liegnitz, et prit une position près du village de Klein-Eike. M. de Loudon crut avoir fourni au Roi l'occasion d'attaquer les Russes en marche. Le mouvement de M. de Buturlin se faisait à la portée de l'armée, et par un terrain qui ne paraissait pas difficile; mais il ne fallait pas s'écarter de ses principes. Les Russes ne furent point attaqués, on ne harcela pas même leur arrière-garde. Après le mouvement qu'ils firent, il devint impossible de s'opposer à leur jonction avec les Autrichiens. Ceux-ci s'étaient tenus sur leurs gardes; pour ne point