<171> lettre qu'on lui faisait écrire au Grand Seigneur. La différence qu'il y a de l'intérêt des Orientaux à celui des autres nations, est, ce me semble, que les premiers s'abandonnent à cette infâme passion et se déshonorent sans en rougir, et que les peuples de l'Europe en affectent au moins quelque honte.
Pendant qu'on tâchait ainsi de soulever l'Orient, les affaires s'embrouillaient de plus en plus en Angleterre. La France y avait fait passer M. de Bussy pour y négocier la paix. Sa présence n'endormait pas le ministère britannique au point qu'on s'en était flatté à la cour de Versailles. Peut-être y eut-il moins d'ardeur pour les armements que la nation préparait sur mer. Néanmoins les Anglais prirent l'île et le fort de Belle-Isle pendant ces négociations; ils s'emparèrent même de Pondichéry dans les Indes orientales, où ils ruinèrent les établissements importants que la compagnie française y possédait. La négociation de M. de Bussy n'avançait guère à Londres. M. de Choiseul, pour leurrer les Anglais, donnait à M. Stanley les espérances les plus flatteuses, qui étaient aussitôt démenties par les explications que M. de Bussy savait leur donner.
Cette escarmouche politique dura jusque vers la fin de l'année 1761, que les conférences furent reprises avec plus de chaleur. La France, dont l'intention était de duper l'Angleterre, commençait à s'apercevoir qu'elle ne réussirait pas; elle voulait ne rien perdre, et faire une paix plus avantageuse que le sort de la guerre ne lui permettait de l'espérer; et comme l'artifice de la négociation n'était pas suffisant pour mener les choses à ce point, elle jeta les yeux sur l'Espagne, que M. de Choiseul eut l'adresse d'engager dans ses intérêts. Cette alliance pouvait en imposer aux Anglais, ou, supposé qu'elle ne fît pas cet effet, l'assistance de cette couronne servait toujours à pousser la guerre avec plus de vigueur et de succès.
Le moyen dont M. de Choiseul se servit pour disposer le roi d'Espagne à embrasser les intérêts de la France, ne réussirait pas partout