<190> de travailler pour son successeur, ni de risquer sa réputation pour un homme qu'il détestait dans le fond du cœur. Si l'on considère ces différentes raisons avec attention, on trouvera moins surprenant que le Roi ait rassemblé ses forces divisées avec aussi peu d'opposition de la part des ennemis.
Pendant que l'armée se rassemblait aux environs de Breslau, l'empereur de Russie manda au Roi qu'il avait donné ordre à M. de Czernichew de quitter Thorn, et de venir se joindre en Silésie aux troupes prussiennes. Cet heureux événement, qui influait si fort dans les projets pour la campagne, donna lieu de les changer en partie. Il fut résolu qu'on assemblerait un gros corps à Cosel, soit pour se joindre en Hongrie aux Tartares, au cas qu'ils y vinssent encore, soit pour inquiéter les frontières de la Moravie, et obliger le maréchal Daun d'y envoyer de gros détachements. C'était là le point essentiel pour le but qu'on se proposait, parce que, avec quatre-vingt mille hommes, le maréchal Daun pouvait si exactement garnir ses montagnes et le poste de Kunzendorf, qu'il aurait été de toute impossibilité de l'attaquer ou de le tourner. Il avait actuellement soixante-dix mille hommes sous ses ordres, distribués de la sorte : dix mille en garnison à Schweidnitz, et huit mille destinés à garnir les gorges de Silberberg et de Wartha. Il s'agissait donc de l'affaiblir encore de quinze mille hommes, pour aller à jeu sûr, et pour se trouver en état de tourner tous les postes qu'il pouvait prendre dans les montagnes, et par conséquent de faire une campagne heureuse et brillante.
L'armée du Roi montait à soixante-six mille combattants; M. de Czernichew lui amenait vingt mille Russes : ainsi il pouvait détacher vingt mille hommes en Haute-Silésie, et il demeurait encore supérieur aux Impériaux. Toutes les manœuvres que le Roi projetait pour cette campagne, étaient calculées à tourner les ennemis dans leurs positions, et sa plus grande attention se portait à leur en dérober la connaissance. Comme cela était aussi essentiel qu'important, on for-