<206>Vous vous rappellerez sans doute avec quel soin on avait tâché d'intimider la cavalerie impériale, et à quel point on y avait déjà réussi. C'était un des points préalables pour cette campagne : l'autre, qui était tout aussi essentiel, n'était pas négligé; car le prince de Bevern s'était déjà avancé à Troppau, d'où il poussa M. de Werner à Grätz. Ce général y fit cent cinquante prisonniers, ce qui contraignit M. de Beck à passer la Mora, et à se retirer à Freudenthal. Nous en laisserons là cette diversion, pour en venir aux Russes. Ce corps passa l'Oder le 30 de juin, et se rendit le même jour à Lissa. Le Roi avait détaché d'avance M. de Wied avec vingt-quatre bataillons au delà du ruisseau de Schweidnitz, sous prétexte de couvrir la marche des Russes, mais en effet pour avoir à l'autre bord de ce ruisseau un corps qui devenait nécessaire pour coopérer au projet qu'avait formé le Roi contre les ennemis. Ces troupes se tinrent dans des cantonnements extrêmement resserrés, pour que les Impériaux n'en pussent point prendre ombrage.
L'armée du Roi commença ses opérations le 1er de juillet. La grande armée vint se camper à Sagschütz, tandis que M. de Wied la côtoyait de nuit, et s'avançait à l'autre bord du ruisseau en cantonnements resserrés. Il n'avait rien à craindre des Autrichiens, ni ne pouvait être découvert par eux, parce que M. de Reitzenstein était devant lui avec quatre mille chevaux, et bloquait M. d'Ellrichshausen au Pitschenberg. Pour peu que le maréchal Daun s'opiniâtrât à garder son camp de Domanze, M. de Wied l'aurait tourné : il aurait passé le ruisseau de Striegau à Péterwitz, et longé le Nonnenbusch, d'où il aurait gagné le camp de Kunzendorf, qui, se trouvant à dos du maréchal Daun, l'aurait mis dans la nécessité de repasser Bögendorf, et de se rejeter dans les montagnes, soit vers Hohengiersdorf, soit vers Leutmannsdorf. Mais le maréchal Daun, trop prudent pour attendre cette extrémité, quitta, la nuit même, la montagne de Zobten et le Pitschenberg, et plaça son camp sur les montagnes entre