<21> n'en était qu'à cent cinquante, lorsque M. Loudon, s'apercevant de la faute que les Russes faisaient de l'abandonner, y arriva avec sa réserve, et prévint les Prussiens de quelques minutes. Il fit aussitôt charger ce canon à mitraille, et le fit exécuter sur eux. Ce feu les dérangea. Quoiqu'on renouvelât les attaques à différentes reprises, il fut impossible d'emporter cette batterie, qui dominait sur tout ce terrain. M. Loudon, qui s'aperçut que la contenance des assaillants était moins assurée, leur lâcha des corps de cavalerie par sa droite et par sa gauche. Cela rendit la confusion générale dans ces troupes, et elles s'enfuirent en désordre. Le Roi protégea leur retraite par une batterie, soutenue du régiment de Lestwitz.a Il y reçut une contusion. Le régiment des pionniers fut pris derrière lui. L'infanterie avait d'ailleurs déjà repassé les digues, et avait repassé au camp qu'elle avait eu la veille; sur quoi le Roi se retira le dernier, et il aurait été pris par les ennemis, si M. de Prittwitzb ne les eût attaqués avec cent hussards, pour lui donner le temps de repasser le défilé. Le gros de la cavalerie se retira par le même chemin qu'elle avait pris le matin. Dans ce premier moment, la consternation des troupes fut si grande, qu'au seul bruit des Cosaques, l'infanterie, qu'on avait formée sur l'emplacement de son ancien camp, s'enfuit au delà de mille pas avant qu'on parvînt à l'arrêter. Les Russes gagnèrent à la vérité cette bataille; mais elle leur coûta cher : ils y perdirent vingt-quatre mille hommes de leur aveu; ils reprirent tous leurs canons et par delà quatre-vingts pièces
a Le régiment d'infanterie no 31, dont le lieutenant-général de Lestwitz était chef. Voyez t. IV, p. 107 et 182.
b Joachim-Bernard de Prittwitz, né en 1726, devint chef d'escadron au régiment des hussards de Zieten le 1er janvier 1759, major le 12 décembre 1760, et lieutenant-colonel le 7 novembre 1762. A la mort du margrave Charles, le Roi partagea les terres de ce prince entre le lieutenant-colonel de Prittwitz et le lieutenant-colonel Hans-Sigismond de Lestwitz, pour les récompenser, le premier de l'avoir sauvé lui-même à Kunersdorf, l'autre d'avoir sauvé l'Etat en contribuant plus que personne à la victoire de Torgau.
Le régiment de Zieten, qui prit peu à peu le titre de Leibhusarenregiment, n'existe plus; en 1808, les débris en furent incorporés au régiment de hussards no 3 d'aujourd'hui.