« <213> et disperser tous ces braves gens qui m'environnent. On veut les remplacer par des étrangers, par des Holsteinois, dont l'Empereur est sans cesse entouré, qu'il vous préfère, à qui il se confie, et, que dis-je? qui sont déjà réellement ses gardes. Soldats, prenez-y garde, ou vous perdez vos droits, vos honneurs et vos prérogatives, que le grand Pierre, connaisseur du mérite et de la valeur, vous avait accordés. Mais cela n'en restera pas là. Je prévois des changements plus funestes encore : bientôt vous serez forcés d'abandonner vos autels et votre culte; on vous forcera d'adopter une religion nouvelle et étrangère, et vous serez entraînés avec violence, pour remplir cette nouvelle église que l'Empereur fait dédier exprès pour qu'elle devienne le sanctuaire de ce culte profane et des nouvelles opinions. Mes amis, il n'y a point de temps à perdre. Joignez-vous incessamment à vos compagnons; sauvez votre Impératrice, son fils, vos priviléges, et la religion que vous avez reçue de vos ancêtres, afin que cet empire florissant ne vous reproche pas de l'avoir abandonné, et que l'on ne puisse pas dire que c'est en vain que j'ai imploré votre assistance. »
Cette harangue fut appuyée par des largesses répandues avec libéralité et profusion, et par l'eau-de-vie qu'on distribua aux troupes en abondance. Cet arrangement, le plus à la portée d'un peuple grossier et féroce, fut le plus persuasif. Toutefois les gardes Preobrashenskii commencèrent à murmurer. Mais les clameurs de la multitude, sur laquelle l'eau-de-vie commençait d'agir, entraîna les autres. Tous prêtèrent le serment de fidélité à l'Impératrice, après quoi ils la proclamèrent souveraine de toutes les Russies.
Cette scène, qui se passait à Pétersbourg, était encore ignorée à Oranienbaum. L'Empereur, qui ne se doutait de rien, se mit en route le lendemain pour jouir de la fête que l'Impératrice lui préparait à Péterhof. Mais quelle fut sa surprise de n'y point trouver son épouse, et de ne pouvoir apprendre par aucun des domestiques de la cour ce