<247>ments que par des victoires, et que l'armée se trouvait trop ruinée et trop dégénérée pour qu'on pût s'en promettre des exploits éclatants. Les bons généraux se faisaient rares, et l'on en manquait pour conduire les détachements. Les vieux officiers étaient péris dans tant d'occasions meurtrières où ils avaient combattu pour la patrie. Les jeunes officiers, à peine sevrés, étaient dans un âge si débile, qu'on ne pouvait pas s'attendre à de grands services de leur part. Ces vieux soldats respectables, ces chefs de bandes n'existaient plus, et les nouveaux dont l'armée était composée, consistaient, le grand nombre, en déserteurs, ou dans une jeunesse faible, au-dessous de dix-huit ans, incapable de soutenir les fatigues d'une rude campagne. D'ailleurs, beaucoup de régiments, ruinés à différentes reprises, avaient été formés trois fois pendant la guerre; de sorte que les troupes, dans l'état où elles étaient, ne pouvaient s'attirer la confiance de ceux qui devaient les commander. D'ailleurs, à quels secours le Roi pouvait-il s'attendre en continuant la guerre? Il se trouvait entièrement isolé et sans alliés. Les sentiments de l'impératrice de Russie à son égard étaient équivoques; les Anglais agissaient envers lui moins en amis qu'en ennemis déclarés; les Turcs, étourdis de tant de révolutions arrivées en Russie, incertains du parti qu'ils devaient prendre, déclinaient l'alliance défensive qu'on leur proposait depuis si longtemps : le kan même des Tartares venait d'obliger le résident prussien à quitter sa cour. Outre toutes ces circonstances contraires, il y avait tout à craindre que la prolongation de la guerre n'occasionnât la peste en Saxe, en Silésie et dans le Brandebourg, parce que, la plupart des champs demeurant en friche, les vivres étaient rares et à un prix excessif, et les campagnes, dépeuplées d'hommes et de bestiaux, de sorte qu'on ne voyait dans toutes ces provinces que des traces affreuses de la guerre, et des précurseurs de plus grandes calamités pour l'avenir. Dans des conjonctures aussi cruelles, on avait tout à craindre en continuant la guerre. Si nous supposons même qu'on eût commencé la