<259> et pour comble d'humiliation, les généraux dont la cour fit choix pour commander ses armées, et qui se croyaient des Turennes, firent des fautes qu'on n'eût pas pardonnées à des écoliers.
Que ces exemples instruisent au moins ces politiques à vastes desseins que, quelque étendu que soit l'esprit humain, il ne l'est jamais assez pour pénétrer les fines combinaisons qu'il faudrait pouvoir développer afin de prévoir ou d'arranger les événements qui dépendent des futurs contingents. Nous expliquons clairement les événements passés, parce que les causes s'en découvrent; mais nous nous trompons toujours sur ceux qui sont à naître, parce que les causes secondes se dérobent à nos téméraires regards. Ce n'est point une singularité affectée à notre siècle, qu'il y ait des politiques abusés : il en a été de même dans tous les âges où l'ambition humaine enfanta de grands projets. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à se rappeler l'histoire de la fameuse ligue de Cambrai, l'armement de la flotte invincible, la guerre de Philippe II contre les Hollandais, les vastes desseins de Ferdinand II à l'ouverture de la guerre de trente ans, les différents projets de partage qui précédèrent la guerre de succession, et cette guerre même. Toutes ces grandes entreprises eurent une fin presque opposée à l'intention de ceux qui en étaient les promoteurs. C'est que les choses humaines manquent de solidité, et que les hommes, leurs projets et les événements sont assujettis à une vicissitude perpétuelle.
Les puissances belligérantes, au sortir de l'arène où elles avaient combattu avec tant de haine et d'acharnement, commencèrent à sentir leurs plaies et le besoin qu'elles avaient de s'en guérir : elles souffraient toutes, mais de maux différents. Nous les passerons ici comme en revue, pour nous faire un tableau précis de leurs pertes et de leur situation actuelle.
La Prusse comptait que la guerre lui avait consumé cent quatre-