<261>frait pas moins, parce que le commerce des deux Indes étant détruit, faisait tarir les ressources de l'abondance publique. D'ailleurs, les dettes nationales étaient accumulées, et montaient à des sommes si énormes, qu'après la paix, les impôts extraordinaires furent prolongés pour dix ans, afin d'en payer les intérêts et de créer un fonds d'amortissement qui pût les acquitter. Les Anglais, victorieux sur terre et sur mer, avaient, pour ainsi dire, acheté leurs conquêtes par les sommes immenses empruntées pour la guerre, qui les rendaient presque insolvables. L'opulence des particuliers passait toute imagination. Cette richesse et ce luxe du peuple provenaient des prises considérables que tant de particuliers avaient faites tant sur la France que sur l'Espagne, et du prodigieux accroissement du commerce, dont, pendant la guerre, ils avaient été presque seuls en possession. La Russie avait à la vérité dépensé des sommes considérables; mais elle avait plus fait la guerre sur le compte des Prussiens et des Polonais que sur le sien propre. La Suède se trouvait sur le point de faire banqueroute. Elle avait non seulement entamé les fonds de la banque; de plus, par une opération maladroite de ses financiers, elle avait trop multiplié les billets, ce qui détruisit l'équilibre que tout État bien policé doit tenir entre le papier et l'argent monnayé.
La Prusse avait le plus souffert par cette guerre. Autrichiens, Français, Russes, Suédois, cercles, jusqu'au duc de Würtemberg, y avaient fait des ravages; aussi l'État avait dépensé cent vingt-cinq millions d'écus pour l'entretien des armées et autres dépenses militaires. La Poméranie, la Silésie et la Nouvelle-Marche demandaient de grandes sommes pour leur rétablissement. D'autres provinces, comme le duché de Crossen, la principauté de Halberstadt et celle de Hohnstein, exigeaient également de grands secours, et il fallait des efforts soutenus de beaucoup d'industrie, pour les remettre dans l'état où elles étaient avant les troubles, parce que la plupart des champs