<91> Il avait déjà occupé Potsdam et Charlottenbourg, et s'avançait du côté du midi vers Berlin. Le circuit de cette capitale est de trois milles de contour; or il est impossible que seize mille hommes défendent une aussi vaste enceinte, où il n'y a ni ouvrages ni remparts, contre vingt mille Russes et dix-huit mille Autrichiens, qui, n'ayant rien à ménager, pouvaient tout entreprendre. L'ennemi commençait déjà à jeter des bombes dans la ville. Si l'on avait attendu la dernière extrémité, les troupes couraient risque d'être prises, et la capitale, d'être ruinée de fond en comble. Ces considérations essentielles et solides occasionnèrent la résolution que prirent les généraux de se retirer, en intimant aux magistrats d'envoyer des députés aux généraux des ennemis pour dresser une espèce de capitulation. Le prince de Würtemberg et M. de Hülsen partirent la nuit du 9, et se replièrent sur Spandow; il n'y eut que le corps des chasseurs qui souffrît dans cette retraite.
Le même jour, les Russes entrèrent dans Berlin. L'on convint que la bourgeoisie lèverait par imposition la somme de deux millions, qu'elle leur payerait pour se racheter du pillage.a Cela n'empêcha pas que MM. de Lacy et de Czernichew ne fussent tentés d'incendier quelque partie de la ville, et peut-être y aurait-il eu quelque catastrophe, sans les solides représentations de M. Verelst, ministre de la république de Hollande. Ce digne républicain leur parla du droit des gens, et leur dépeignit leur barbarie avec des couleurs si affreuses, qu'ils en eurent honte. Leur fureur et leur rage se tourna sur Charlottenbourg et Schönhausen, maisons royales qui furent pillées par les Cosaques et par les Saxons.
Le bruit de la marche du Roi allait en s'accroissant. Il était venu des avis à MM. de Lacy et de Czernichew que l'intention de ce prince était de les couper. Cette nouvelle leur donna la peur et hâta leur
a Le Roi aurait pu dire ici qu'il paya pour Berlin, le 7 avril 1761, la contribution imposée à cette ville.