CHAPITRE XIV.
Campagne de 1761.
Les sentiments pacifiques dont les deux cours impériales faisaient une si grande ostentation, ne les empêchèrent pas de hâter avec une très-grande ardeur les préparatifs pour la campagne prochaine. Elles se proposaient de faire les plus grands efforts, et de mettre tout en œuvre pour réduire le roi de Prusse à l'extrémité. Le maréchal Daun prit le commandement de l'armée impériale en Saxe, et l'armée de Silésie fut confiée à M. Loudon. Ce général vint se camper à Seitendorf, vis-à-vis de M. Goltz, qui avait posté ses troupes à Kunzendorf. Les avantages que le Roi avait eus dans la dernière campagne contre les Autrichiens, n'avaient pas été assez importants pour que la balance penchât tout à fait de son côté. L'Impératrice avait recruté ses troupes durant l'hiver, et l'armée russe, qu'elle avait à sa disposition, lui donnait toujours l'avantage du nombre, et l'aisance de se procurer des diversions réelles, lorsqu'elle les jugeait à propos. Outre ce secours, elle avait encore celui des troupes de l'Empire et de l'armée suédoise. Alexandre, avec moins de monde et d'alliés, bouleversa l'empire persan.
<124>Les différents projets que les puissances belligérantes formèrent pour cette campagne, furent tels : la France résolut d'agir avec deux armées contre le prince Ferdinand; celle du Bas-Rhin, aux ordres de M. de Soubise, devait s'emparer de Munster; et celle du Main, que commandait M. de Broglie, devait pénétrer par Göttingue dans l'électorat de Hanovre. M. Loudon était destiné par la cour de Vienne pour faire une guerre de siéges en Silésie, où il devait être appuyé par les Russes. Ceux-ci devaient porter leurs forces principales sur la Warthe, où ils avaient choisi Posen pour leur position centrale; de là M. de Buturlin devait agir en Silésie selon qu'il en conviendrait avec les généraux autrichiens, tandis que M. de Romanzoff, avec un gros détachement épaulé des flottes russe et suédoise, fut destiné pour assiéger Colberg. Le maréchal Daun se réserva pour les coups décisifs. Son armée était comme le magasin d'où devaient partir les renforts aux endroits qui en auraient besoin. Il détacha effectivement M. O'Donnell avec seize mille hommes pour Zittau, d'où ce général se trouvait également à portée de la Saxe et de la Silésie.
De la part du Roi et de ses alliés, il était impossible de prendre des mesures suffisantes pour s'opposer solidement aux desseins et aux efforts de cette multitude d'ennemis. Voici néanmoins en gros les arrangements dont on convint. Le prince Ferdinand destina le Prince héréditaire pour couvrir le pays de Munster contre les entreprises de M. de Soubise; et il prit pour point capital Paderborn, où il se trouvait avec son armée à portée de soutenir le Prince héréditaire, ou bien de tomber à dos de M. de Broglie, si ce maréchal hasardait de passer le Wéser et de s'aventurer dans l'électorat de Hanovre. Le Roi confia l'armée de Saxe au prince son frère, et lui recommanda d'observer le maréchal Daun; en cas que ce maréchal prît le chemin de la Silésie, de le suivre avec une partie de ses troupes, et de laisser à son départ M. de Hülsen à Meissen avec un détachement, pour qu'il se soutînt en Saxe autant que les conjonctures le permet<125>traient. Le Roi se réserva la défense de la Silésie; il choisit M. de Goltz pour couvrir Glogau avec un corps de douze mille hommes. Le prince de Würtemberg, qui avait hiverné dans le Mecklenbourg, fut destiné, avec les troupes qu'il commandait, à couvrir la ville de Colberg, et l'on fit travailler avec diligence au camp retranché qu'il devait occuper à l'entour de cette place. L'on prévoyait que si les Russes manquaient ce siége, ils pourraient se porter, ou sur la Marche électorale, ou vers la Silésie. Dans le premier cas, il fut arrêté que le prince de Würtemberg et M. de Goltz se joindraient à Francfort pour couvrir Berlin, où des deux grandes armées prussiennes la moins occupée leur enverrait des secours; et dans le second cas, M. de Goltz avait des instructions pour couvrir Glogau ou Breslau, selon que l'une de ces deux villes se trouverait en avoir le plus de besoin.
On commença d'abord à faire revirer les troupes pour assembler chaque corps au lieu de sa destination. Le Roi se mit en marche le 4 de mai; le même jour, il passa l'Elbe à Hirschstein, et il arriva le 10 à Löwenberg, sans avoir trouvé d'obstacle sur la route. A l'approche des Prussiens, M. de Loudon abandonna son camp de Seitendorf; il se retira en Bohême, et se retrancha à Hauptmannsdorf, proche de Braunau; il garnit, outre cela, les postes de Silberberg et de Wartha de troupes suffisantes pour défendre ces deux gorges, qui mènent dans le comté de Glatz. Le Roi choisit sa position auprès de Kunzendorf : sa droite occupait le Zeiskenberg et Fürstenstein; sa gauche s'étendait sur le plateau de Barsdorf. Outre cela, M. de Bülow fut posté à Nimptsch avec un corps de cavalerie, pour conserver une libre communication avec Neisse. M. de Goltz partit en même temps avec un détachement de dix mille hommes pour Glogau, d'où il détacha M. de Thadden avec quatre bataillons pour se joindre au prince de Würtemberg, qui occupait déjà son camp retranché proche de Colberg.
<126>Pendant que ces préparatifs se faisaient en Silésie, aussi bien qu'en Poméranie et en Saxe, les Autrichiens et les Russes délibéraient ensemble. Ils eurent de la peine à s'accorder, et changèrent à différentes reprises le plan de leurs opérations; ils se réunirent enfin sur ce que M. de Romanzoff assiégerait Colberg, et que M. Buturlin marcherait droit à Breslau. Dans ces entrefaites, M. de Goltz tomba malade, et fut emporté en peu de jours par une fièvre inflammatoire. M. de Zieten, qui le remplaça, fut chargé d'un projet d'expédition en Pologne, qu'on avait déjà deux fois vainement essayé, et qui lui manqua encore; c'était d'entreprendre sur une des colonnes russes dans leur marche, et dans le temps où elles étaient trop séparées pour se joindre promptement. L'une se dirigeait sur Schneidemühl, l'autre, sur Schwerin, et la troisième, sur Posen. M. de Zieten s'avança à Fraustadt, où il battit un corps de Cosaques; mais il n'osa passer outre, à cause que, depuis deux jours, les trois divisions russes s'étaient déjà jointes à Posen. M. de Buturlin se mit ensuite en marche; il traversa le palatinat de Posnanie à petites journées, et poursuivit lentement son chemin, en s'approchant toutefois de la Silésie du côté de Militsch, ce qui indiquait ses desseins sur Breslau. M. de Zieten le côtoya, en dirigeant sa marche sur Trachenberg. Dès que les Russes se mirent en mouvement, M. O'Donnell quitta la Lusace, et vint joindre l'armée de M. de Loudon.
La position que le Roi avait prise dans les montagnes de la Silésie, n'était que précaire. Il couvrait le plat pays contre les incursions de l'ennemi, autant que les circonstances voulaient le permettre; mais depuis que M. de Buturlin prenait le chemin de Militsch, il allait avoir incessamment à dos une armée considérable, et il avait déjà les Autrichiens en front. Il fallut quitter les montagnes, et placer l'armée de façon que n'étant attachée à aucune défense particulière, elle pût se porter promptement où il serait nécessaire, pour prévenir les ennemis. Le camp de Pülzen était le plus convenable à ce projet; le Roi<127> le fit occuper par l'armée, et il se proposa de tenir, autant qu'il le pourrait, la ligne du milieu entre l'armée des Autrichiens et celle des Russes, pour s'opposer à leur jonction; il prit aussi la résolution de se battre contre les Autrichiens, s'il s'en présentait une occasion favorable, mais d'observer une défensive scrupuleuse envers les Russes, parce que, s'il remportait une victoire contre les Autrichiens, les Russes s'enfuiraient d'eux-mêmes, et que, s'il avait le même avantage contre les Russes, cela n'empêcherait pas M. de Loudon de continuer les opérations de sa campagne. Les Autrichiens sont les ennemis naturels et irréconciliables des Prussiens, au lieu que des conjonctures avaient rendu les Russes tels, et que quelque changement ou quelque révolution pouvait les rendre amis, ou alliés même; et ajoutons à ces considérations, pour être de bonne foi, que l'armée prussienne ne se trouvait pas en état de se battre tous les jours, et que le Roi était obligé de ménager les efforts de ses troupes pour les moments les plus importants et les plus décisifs.
Il n'y avait que peu de jours que le Roi était au camp de Pülzen, lorsque M. Loudon déboucha des montagnes, vis-à-vis des Prussiens, par la gorge de Steinkunzendorf. Cette manœuvre malhabile et grossière découvrit tous ses desseins, et il semblait déclarer ouvertement qu'il en voulait à la forteresse de Neisse. L'armée du Roi partit dès le lendemain, et occupa les hauteurs de Siegroth; et comme on avait vu que les Autrichiens prenaient le chemin de Frankenstein, on résolut, pour les prévenir, de gagner avant eux les hauteurs de Munsterberg. En faisant cette marche, on trouva, le lendemain, M. Brentano posté entre Frankenstein et Heinrichau, d'où il avait jeté quelques pandours dans Munsterberg. Les volontaires de Courbière127-a et les grenadiers de Nimschöffsky forcèrent la ville, et M. de<128> Brentano, ayant été exposé à une canonnade assez vive, se retira à quelque distance du poste qu'il avait occupé. M. de Möhring, qu'on poussa sur les hauteurs de Nossen avec son régiment, y prit tout le campement de M. de Loudon, qui n'était couvert que par trois cents hussards. En postant l'infanterie sur ces hauteurs, le Roi découvrit du côté de Frankenstein l'armée autrichienne, qui, par des tournoiements et des manœuvres incertaines, donnait assez à connaître que ses desseins étaient dérangés.
L'intention de M. de Loudon avait été effectivement de prendre ce camp, pour couper le Roi de Neisse, et de se poster ensuite sur les hauteurs de Woitz, de Giessmannsdorf et de Neundorf, ce qui formait l'investissement de cette place de ce côté-ci de la rivière, tandis que les Russes, passant l'Oder à Oppeln, seraient venus la resserrer du côté de la Haute-Silésie, depuis Bila jusqu'à la Carclau.128-a L'armée du Roi ne s'arrêta que peu de temps à Nossen; elle poussa encore ce jour-là jusqu'à Carlowitz, et le lendemain, elle se déploya sur cette rangée de collines qui prend d'Ottmachau par Giessmannsdorf, et qui va jusqu'à Schilde. M. de Loudon, dérouté dans ses projets, se campa à Ober-Pomsdorf. Soit inquiétude naturelle, soit habitude de commander des détachements, il changea six fois de position en huit jours, sans qu'il fût possible d'en donner une raison valable.
Les Russes avançaient cependant sur Wartenberg, d'où ils s'étendirent bientôt jusqu'à Namslau. M. de Zieten, qui les observait, s'approcha d'abord de Breslau, et ensuite il vint pour couvrir Brieg. Peu après son départ de Breslau, le faubourg polonais de cette ville fut insulté par les Russes, ce qui obligea le Roi à y détacher M. de Knobloch avec dix bataillons et autant d'escadrons. Pour l'armée autrichienne, elle continuait d'être dans une perpétuelle agitation; après<129> avoir passé et repassé la Neisse, elle se campa au village de Baumgarten, proche de Wartha. Le Roi saisit ce moment, passa la Neisse, et prit sa position à Oppersdorf, d'où il partit avec un détachement pour Neustadt M. Bethlen y campait avec six mille Autrichiens, et l'on soupçonnait que M. Loudon voulait se servir de lui pour l'envoyer du côté d'Oppeln, afin de prêter la main au maréchal Buturlin, qui, à ce qu'on croyait, voulait y passer l'Oder, pour se joindre à l'armée autrichienne. L'avant-garde du Roi, consistant en hussards, donna sur un régiment des ennemis, qu'elle replia et poursuivit jusque sous les canons de Hennersdorf, où les Autrichiens avaient construit des redoutes. M. de Zieten, qui avait passé l'Oder à Brieg, et la Neisse à Schurgast, arriva alors de Steinau, et tourna le flanc droit de M. de Bethlen, qui, se retirant en hâte à Jagerndorf, fut poursuivi par M. de Lossow, qui le poussa de Jagerndorf, par Troppau, au delà de la Mora en Moravie. L'ennemi perdit au choc de Neustadt et dans sa retraite quatre à cinq cents hommes. Après avoir ainsi éloigné M. Bethlen, M. de Zieten s'établit à Schnellwalde, et le Roi retourna à son armée, dont la gauche touchait presque au détachement de M. de Zieten, et dont la droite s'étendait sur les hauteurs devant Oppersdorf.
Après cette expédition, la jonction des ennemis étant rendue plus difficile en Haute-Silésie, il n'y avait guère d'apparence que M. Bu-turlin persévérât dans le dessein de passer l'Oder à Oppeln. Les mouvements de l'armée du Roi mirent celle des Autrichiens dans une nouvelle agitation. M. Loudon se campa à Weidenau, le lendemain à Johannesberg, où il se déplut bientôt; enfin, il repassa la Neisse, et s'arrêta aux environs de Camenz.
Durant ces différentes marches et contre-marches, les Russes s'étendaient sur l'autre bord de l'Oder; ils pillaient et dévastaient le pays; on avait des nouvelles des cruautés qu'ils commettaient. D'ailleurs, leurs manœuvres étaient couvertes de tant d'obscurité, qu'il<130> était impossible de pénétrer leur véritable dessein : si c'était de passer l'Oder dans la Haute-Silésie ou du côté d'Ohlau, ou s'ils voulaient faire quelques siéges, en un mot, quelle pouvait être l'entreprise qu'ils méditaient. Comme on ne pouvait compter sur rien avec certitude, le Roi trouva convenable de se préparer à tout événement, et d'envoyer un corps entre Breslau et Brieg, à portée de secourir celle de ces places qui en aurait besoin et d'observer l'Oder en même temps. M. de Knobloch partit dans cette intention pour Grottkau, d'où il pouvait en peu d'heures arriver au secours de ces deux villes, et même, en cas de besoin, rejoindre l'armée du Roi.
Les Russes s'étaient avancés à Hundsfeld, qui n'est qu'à un mille de Breslau, et comme ce mouvement marquait qu'ils ne pensaient plus à passer l'Oder dans la Haute-Silésie, l'armée du Roi et le corps de M. de Zieten repassèrent la Neisse, et arrivèrent le lendemain par une marche forcée à Strehlen, pour se trouver toujours au centre des deux armées ennemies, et empêcher leur jonction autant qu'il y aurait moyen de s'y opposer. On avait flatté M. Buturlin que, par le moyen de quatre mille prisonniers autrichiens qui se trouvaient à Breslau, on surprendrait une des portes de la ville, et que si les Russes attaquaient en même temps le faubourg polonais, qui est au delà de l'Oder, ils pourraient s'emparer de cette capitale par un coup de main. M. de Czernicliew se chargea de cette entreprise : avec quelques troupes il entra dans ce faubourg, qui est ouvert; mais M. de Tauentzien,130-a gouverneur de la place, avait pris de si justes mesures, qu'il contint les prisonniers, et qu'il repoussa les Russes. M. de Knobloch vola à son secours. Ces deux généraux firent une sortie vigoureuse sur l'ennemi, et ils achevèrent de déloger l'ennemi du reste de ce faubourg dont il était encore en possession. Le Roi<131> ne se contenta point des précautions qu'il avait prises; par surabondance il fit partir M. de Platen avec onze bataillons et quinze escadrons pour Rothensirben, d'où il pouvait porter son attention sur Breslau et sur l'Oder, aller au secours de M. Tauentzien, ou donner des nouvelles de l'endroit où les Russes feraient des préparatifs pour passer cette rivière.
Dans ces entrefaites, le Roi fut informé par ses partis que l'armée autrichienne s'était campée à Kunzendorf, et que les Russes avaient abandonné les environs de Breslau; sur quoi l'armée quitta sa position de Strehlen, et arriva par une marche forcée au delà du Schweidnitzer-Wasser et de Canth, où elle fut jointe par MM. de Platen et de Knobloch. Le lendemain, le Roi changea la position de l'armée et la fit camper à Moys. Des bruits confus se répandirent dans ce camp que les Russes avaient passé l'Oder du côté d'Auras. Les uns assuraient que ce n'étaient que des Cosaques, d'autres, un détachement de l'armée, et quelques-uns prétendaient même que M. de Buturlin y était avec toute l'armée. Comme cette nouvelle était de la plus grande importance, on mit tout en œuvre pour s'en éclaircir. M. de Schmettau fut détaché à Neumarkt, d'où il chassa une troupe de Cosaques, et leur fit quelques prisonniers; et M. de Mollendorff fut envoyé faire une reconnaissance à un village nommé Roy. Il en chassa également un détachement d'ennemis; mais on tira peu de lumière des prisonniers qu'ils amenèrent au camp, parce qu'ils avaient passé l'Oder à la nage depuis trois jours, et que, s'occupant au pillage, cette milice barbare ne s'était pas même informée de ce qu'étaient devenus M. de Buturlin et son armée.
Un mouvement que M. Loudon fit sur Striegau, occasionna celui de l'armée du Roi pour occuper la colline de Leipe avec la droite et Eisdorf avec la gauche. Mais comme ce problème restait toujours à résoudre, savoir, si les Russes avaient passé l'Oder ou non, il fallut, pour se procurer des notions positives, détacher un corps assez fort<132> pour qu'il se pût faire jour et pousser assez en avant pour s'éclaircir par l'inspection oculaire de la vérité de l'événement. Le Roi envoya pour cet effet M. de Platen avec quarante escadrons et dix bataillons; il fut chargé de faire une reconnaissance du côté de Parchwitz. Le Roi se rendit au régiment de Zieten, qui campait à l'extrémité de la droite, pour conduire M. de Platen des yeux, et juger s'il avait besoin d'être soutenu, s'il fallait le retirer, ou quelle mesure il serait à propos de prendre. A peine le Roi s'y fut-il rendu, qu'une nuée de trois à quatre mille Cosaques fondit sur le régiment de Zieten, avec ces cris et ces clameurs que ces barbares ont coutume de faire en attaquant. Le Roi envoya en hâte à l'armée, pour faire avancer les premiers régiments qui campaient à la droite, et, en attendant qu'ils arrivassent, on se mit en devoir de se défendre. Les escadrons se partagèrent en deux, pour mieux garnir leur front et couvrir leurs flancs; devant chaque troupe on fit avancer un bas officier avec dix hussards, qui avaient ordre de demeurer serrés et immobiles, et de ne se défendre qu'à coups de carabine, en escarmouchant; aussitôt que les Cosaques faisaient mine de vouloir fondre sur ces petites troupes détachées, les escadrons qui étaient derrière elles, les soutenaient le sabre à la main, sans cependant s'engager. Cette escarmouche dura une heure et demie; aussitôt que les Cosaques aperçurent de loin le secours qui avançait, ils prirent la fuite avec précipitation, et se retirèrent du côté de Gross-Wandris. Quiconque sait garder la contenance vis-à-vis des Cosaques, n'a pas de grands risques à courir; car le régiment de Zieten, bien inférieur en nombre à ces barbares, se soutint seul contre eux, sans qu'il y eût un hussard de pris ou de blessé.
A peine le secours de l'armée eut-il joint le Roi, qu'on aperçut dans les plaines de Jauer quarante escadrons autrichiens, qui au grand trot s'avançaient vers Wahlstatt. M. de Platen, de son côté, avait poussé les Russes au delà de Gross-Wandris; le Roi l'avait fait suivre par M. de Zieten avec six bataillons et dix escadrons pour le<133> soutenir, et il le suivit enfin lui-même. A peine ces troupes furent-elles sur la hauteur de Wirchen, qu'on aperçut la tête de la cavalerie autrichienne débouchant du côté de Wahlstatt. Elle fut accueillie par une bonne bordée de canons, et incontinent après, M. de Reitzenstein l'attaqua avec les dragons de Finck et deux escadrons de Czettritz. Après deux charges vives et consécutives, M. de Reitzenstein les culbuta dans le défilé dont ils sortaient, et leur fit trois cents prisonniers. Cette cavalerie s'enfuit à Jauer à la débandade, et il n'y eut qu'un régiment qui joignit M. de Buturlin, parce qu'il avait passé le premier. Le hasard fit que les Cosaques mêmes aidèrent à battre les Autrichiens dans cette occasion. Les dragons autrichiens qui avaient eu la tête de la colonne, étaient habillés de bleu; les Russes les prirent pour des Prussiens, et tandis que M. de Reitzenstein les attaquait, les Cosaques leur tombèrent en flanc. Notre cavalerie, victorieuse des Autrichiens, poussa les Russes à leur tour jusque sous le camp où M. de Buturlin s'était retranché. Cette armée occupait le terrain depuis le village de Koischwitz jusqu'à celui de Kunzendorf; elle avait passé l'Oder à Leubus, et avait travaillé avec beaucoup de diligence à se fortifier dans ce poste.
Les raisons que le Roi avait de ne point attaquer les Russes, étaient toujours les mêmes. Leur armée se trouvait postée de façon que ce n'aurait été qu'en sacrifiant beaucoup de monde qu'on aurait pu la forcer dans ce terrain avantageux, et nous n'avions pas du monde de trop. Ce qui avait suivi le Roi, faisait en tout vingt-quatre bataillons et cinquante-huit escadrons, parce que le gros était demeuré avec le margrave Charles au camp de Leipe, pour conserver le dos libre aux troupes du Roi, et pour observer en même temps de plus près les mouvements des Autrichiens. Cependant les distances n'étaient pas assez considérables pour que ces deux corps ne pussent se joindre en moins de deux heures. M. Loudon était trop éloigné de Leipe pour attaquer le margrave à l'improviste; quoi qu'il arrivât, celui-ci avait<134> le temps d'avertir, et d'attendre des secours. Pour les Russes, leur lenteur ordinaire et leur peu de penchant aux entreprises vigoureuses donnait un temps suffisant pour qu'en cas de besoin le Roi pût attirer à soi le margrave Charles. Sa Majesté prit son camp entre Klein-Wandris et Wahlstatt; elle le fit retrancher avec soin, pour ne point être pris au dépourvu, et l'on raccommoda une vieille redoute au Wirchenteich, pour assurer par là d'autant mieux la communication des deux armées prussiennes.
Le lendemain, un nouveau camp se présenta derrière Jauer. Il ne suffisait pas de savoir que c'étaient des Autrichiens; il fallait pénétrer à quel but ce corps s'était tourné de ce côté. Pour cet effet, on déguisa un officier et trois hussards qui savaient un peu de russe, en Cosaques, et ils se glissèrent de grand matin dans le camp de Jauer, sous prétexte qu'ils s'étaient égarés à la reconnaissance, faute de bien savoir les chemins. L'officier autrichien qui était de garde, leur fit toutes sortes de civilités, et leur dit qu'ils étaient d'un détachement de six mille hommes sous les ordres de M. Brentano, commandés pour couvrir l'artillerie autrichienne que M. Loudon avait fait avancer dans ce lieu pour l'avoir plus à portée de s'en servir au cas que les Prussiens attaquassent les Russes; et que, dès que cela arriverait, les Autrichiens se mêleraient de l'affaire, où assurément le roi de Prusse, accablé par deux armées impériales, serait obligé de succomber.
M. de Buturlin décampa le jour suivant; il passa près de Liegnitz, et prit une position près du village de Klein-Eike. M. de Loudon crut avoir fourni au Roi l'occasion d'attaquer les Russes en marche. Le mouvement de M. de Buturlin se faisait à la portée de l'armée, et par un terrain qui ne paraissait pas difficile; mais il ne fallait pas s'écarter de ses principes. Les Russes ne furent point attaqués, on ne harcela pas même leur arrière-garde. Après le mouvement qu'ils firent, il devint impossible de s'opposer à leur jonction avec les Autrichiens. Ceux-ci s'étaient tenus sur leurs gardes; pour ne point<135> donner de prise sur lui, M. Loudon n'avait pas quitté le pied des montagnes de toute la campagne, et il avait eu l'adresse d'exposer dans toutes les occasions les alliés de la maison d'Autriche aux marches, et aux entreprises les plus hasardées.
Le parti le plus avantageux que le Roi pût prendre dans cette situation, fut de gagner les hauteurs de Kunzendorf par une marche forcée, parce que, si l'on pouvait occuper cette position avant M. Loudon, on coupait l'armée autrichienne de ses magasins, et les Russes, qui ne pouvaient subsister que par les vivres que l'Impératrice-Reine leur fournissait, se seraient vus obligés, faute de pain, de se rapprocher des amas qu'ils avaient laissés en Pologne; de sorte que ce projet, heureusement exécuté, aurait changé pour cette campagne toute la face des affaires en Silésie. L'armée du Roi se mit aussitôt en marche, et le margrave, pour gagner du temps, détacha d'abord M. de Knobloch pour se saisir du Pitschenberg, par où l'armée devait nécessairement passer. Il l'occupa dès le soir, et le lendemain, l'armée entière déboucha aux environs de Jauernick et de Bunzelwitz. Mais le but qu'on s'était proposé, se trouva manqué. M. Loudon avait prévenu le Roi, et dès la veille, une vingtaine de bataillons de son armée s'était campée à Kunzendorf. Les hauteurs de Kunzendorf font un poste où les troupes qui s'y trouvent, sont inexpugnables. Il n'y avait point de coup de main à tenter, surtout parce qu'on découvrait l'armée autrichienne en pleine marche pour se rendre dans ce camp et le remplir dans toute son étendue.
L'armée du Roi, ne pouvant agir offensivement, se déploya de la montagne de Würben au village de Tschechen, où aboutissait la droite, dont une partie était couverte par le Nonnenbusch. Rien désormais n'apportait des obstacles à la jonction des Russes et des Autrichiens. L'on prévoyait que dans peu ces deux armées se rassembleraient aux environs de Schweidnitz. Dans ces conjonctures, le Roi avait à pourv oir à la sûreté de son camp et à la sûreté de la for<136>teresse de Schweidnitz. Il pouvait prendre une position à Pülzen, où la nature a semblé faire tous les frais de ce qui peut fortifier un camp. Mais si l'armée s'y trouvait en sûreté, on risquait, d'une autre part, que MM. de Loudon et de Buturlin n'assiégeassent Schweidnitz à la vue du Roi et de toute l'armée, sans qu'il pût l'empêcher. Ce fut par cette raison que l'on préféra la position de Bunzelwitz, parce qu'elle couvrait la place et en rendait le siége impraticable.
Il restait toutefois à craindre que l'armée des deux Impératrices ne fît un détachement sur Breslau; ce qui, contraignant le Roi de quitter le voisinage de Schweidnitz, aurait donné à ses ennemis l'aisance et les moyens d'y mettre le siége. Mais il était impossible de s'opposer à toutes les entreprises que des ennemis aussi supérieurs pouvaient tenter, et il fallait abandonner quelque chose au hasard. Toutefois, pour assurer la position de l'armée prussienne, le Roi fit retrancher son camp, tant sur le front que par les flancs et sur les derrières. Ce camp devint une espèce de place de guerre, dont la montagne de Würben représentait comme la citadelle. De cette hauteur jusqu'au village de Bunzelwitz, le camp était couvert par un marais. On fortifia les têtes des villages de Bunzelwitz et de Jauernick, et l'on y établit de grandes batteries, dont le feu croisé défendait le front par lequel M. Loudon aurait pu attaquer le Roi, de sorte que ces deux villages devenaient des préalables que les Autrichiens étaient obligés d'emporter avant que d'être à portée d'entamer l'armée. Entre ces deux villages, un peu en arrière, le front de l'infanterie était couvert par de grandes redoutes, munies d'une nombreuse artillerie. On avait pratiqué des passages entre deux, pour donner l'essor à la cavalerie, si on le trouvait nécessaire. Au delà de Jauernick, et en tirant derrière le Nonnenbusch, on avait retranché quatre collines qui dominaient sur tout le terrain, et devant lesquelles coulait un fossé bourbeux et impraticable, où l'on pouvait, par le feu des petites armes, empêcher l'ennemi d'établir des ponts. Plus à la droite, un grand<137> abatis coupait le Nonnenbusch; il était défendu par des chasseurs et par des bataillons francs. Ce fossé bourbeux dont nous avons parlé, se recourbait derrière le bois, et au pied des collines sur lesquelles l'armée s'étendait. A l'extrémité de la droite commençait le flanc, qui, formant une ligne parallèle au ruisseau de Striegau, allait aboutir à un bois couvert par le défilé qui vient de Péterwitz. Dans ce bois, qui était à dos de l'armée, l'on avait établi une batterie masquée, qui communiquait derrière un abatis à une autre batterie qu'on avait placée à l'extrémité de ce même bois du côté de Neudorf, et de là reprenait un retranchement qui se joignait, à dos de l'armée, aux ouvrages qu'on avait faits sur la hauteur de Würben. Les retranchements avaient également partout seize pieds d'épaisseur, et les fossés, douze pieds de profondeur sur seize de largeur. Le front était environné de fortes palissades; les parties saillantes des ouvrages étaient minées. Devant les mines on avait creusé des trous à loup, et devant ces trous, des chevaux de frise contigus et pilotés en terre faisaient toute l'enceinte extérieure. L'armée du Roi était composée de soixante-six bataillons et de cent quarante-trois escadrons; quatre cent soixante pièces d'artillerie bordaient les différents ouvrages, et cent quatre-vingt-deux mines chargées étaient prêtes à sauter au premier signal qu'on en donnerait.
Ces travaux n'avaient pas eu le temps d'être tout à fait perfectionnés, que M. de Buturlin parut à la tête de ses Russes. Il vint se camper au pied des hauteurs de Hohenfriedeberg. Deux jours après, il changea de position. Le gros de ces troupes occupa le terrain qui va d'Oelse à Striegau. M. de Czernichew s'étendit du Streitberg vers Niklasdorf. M. de Brentano se posta sur la gauche des Russes, à Preilsdorf, et M. de Berg avec ses Cosaques se posta sur Laasen, d'où il passa le ruisseau de Striegau, et vint à dos de l'armée prussienne. Pour M. de Beck, qui venait récemment d'arriver de la Lusace, on le posta entre Oelse et le Nonnenbusch, pour assurer la communica<138>tion des deux armées impériales. La position des ennemis ainsi prise formait une espèce de ligne de circonvallation, qui entourait les deux tiers de l'armée prussienne. M. Loudon crut alors pouvoir impunément quitter ses montagnes. Il descendit dans la plaine, et déploya ses Autrichiens, en prenant de Cammerau, par Arnsdorf, jusqu'à Zirlau. Entre Cammerau et Arnsdorf, il fit travailler à un retranchement par lequel il se proposait de déboucher pour attaquer l'armée du Roi. Ce retranchement pouvait lui servir également pour l'offensive, et pour la défensive en cas de retraite. Cet ouvrage fut souvent interrompu par l'artillerie prussienne; cependant ces démonstrations parurent si sérieuses, qu'elles semblaient annoncer avec certitude la résolution que les ennemis avaient prise d'attaquer les troupes prussiennes au risque de tout ce qui pouvait en arriver. Le même jour, M. Loudon fit une tentative sur la tête du village de Jauernick. La résistance qu'il y trouva, surpassa de beaucoup l'idée qu'il en avait eue. Il fit sommer le major Favrat,138-a qui y commandait, de se rendre. Cet officier lui répondit sur le ton qu'on devait attendre d'un homme d'honneur, et M. de Loudon fut contraint de se désister de son entreprise. Comme tous ces préparatifs paraissaient si sérieux, et le moment d'une action, proche, on fit toutes les dispositions nécessaires pour une vigoureuse défense. On avait peu à craindre de jour, parce que le camp était d'une force infinie; mais il y avait beaucoup à appréhender de nuit, à cause de la grande proximité des armées. Il n'était d'ailleurs guère apparent qu'il arrivât du malheur aux Prussiens, à moins que M. de Loudon, favorisé des ténèbres et de l'obscurité, ne surprît une partie du camp où les troupes, ensevelies dans le sommeil,<139> n'eussent pas le temps d'accourir à la défense. Pour prévenir une pareille catastrophe, on faisait détendre les tentes tous les soirs, et l'armée, en bordant les retranchements, passait les nuits au bivouac. D'une autre part, le voisinage où M. de Loudon était de Schweidnitz par les postes de Cammerau, de Schönbrunn et de Bögendorf, qu'il occupait, obligea le Roi à faire un détachement intermédiaire entre Schweidnitz et l'armée, soit pour secourir cette place en cas de besoin et d'attaque, soit pour couvrir les convois de l'armée, qui tirait uniquement son pain, son fourrage et ses subsistances de cette forteresse. M. de Gabelentz139-a se porta, à cette fin, avec un détachement de quelques bataillons, au delà de Tunkendorf, où sa droite se trouvait protégée par les batteries du camp, sa gauche, par l'artillerie de Schweidnitz, et où il assura encore davantage sa position par de bons retranchements dont il couvrit son front. Le même jour, les officiers généraux reçurent la disposition de la défense du camp, et de la manière dont chacun avait à se conduire dans la partie dont il avait le commandement.
Quelque étendue qu'eût le terrain que l'armée prussienne occupait, on avait trouvé le moyen de le réduire à trois points d'attaque. Le premier était entre les villages de Bunzelwitz et de Jauernick. Le Roi se proposa de le défendre lui-même contre M. Loudon, qui avait construit son approche ou son retranchement de ce côté-là. Il était impossible aux Autrichiens de laisser ces villages fortifiés derrière eux, et de percer au centre, parce qu'ils auraient eu un feu considérable d'artillerie à essuyer sur leurs deux flancs. Il fallait donc présumer qu'ils s'attacheraient avant toute chose à emporter un de ces deux postes. Le Roi résolut de les y laisser se morfondre, et de ne lâcher sur eux sa cavalerie qu'après qu'ils auraient fait une perte considérable. On pouvait d'ailleurs rafraîchir ces villages de troupes avec<140> des corps frais d'infanterie, autant qu'on le jugerait à propos, sans compter que soixante pièces de canon des ouvrages latéraux en défendaient l'abord. Le second point d'attaque était entre le village de Tschechen et le bois sur notre flanc droit : M. de Zieten y commandait. Les Russes, qui campaient vis-à-vis de lui, se seraient probablement chargés de cette entreprise. Pour arriver aux Prussiens, ils étaient obligés de passer le ruisseau de Striegau sous le feu de la mousqueterie et du canon de nos retranchements. Ils auraient perdu leur meilleure infanterie à ce passage, sans compter les obstacles multipliés qui leur restaient à vaincre pour s'approcher des retranchements, de sorte que quelques charges de cavalerie que M. de Zieten eût fait faire à propos, auraient suffi pour les dissiper. Le troisième point d'attaque se trouvait du côté de Péterwitz et du défilé qui couvrait cette partie du camp prussien. M. de Ramin défendait cette partie, et l'attaque aurait roulé, selon les apparences, sur MM. de Czernichew et de Brentano, parce que leurs détachements se trouvaient le plus à portée. Il fut résolu de laisser paisiblement avancer l'ennemi jusqu'au défilé de Péterwitz, où il était pris en flanc par la batterie masquée du bois, qui pouvait lui lâcher des bordées entières de mitraille; après quoi M. de Platen avait ordre de lui tomber à dos avec quarante escadrons, et, pour cet effet, on lui avait pratiqué un chemin au travers du bois, par lequel il devait déboucher.
La plus grande force de ce camp consistait en ce qu'il privait les ennemis de trois armes qu'il conservait toutes aux Prussiens. Les assaillants ne pouvaient pas se servir de canons, parce que tous les environs du retranchement étant dans un terrain infiniment plus bas que celui sur lequel il était construit, leur artillerie aurait tiré sans aucun effet; ils ne pouvaient pas se servir non plus de leur cavalerie, car pour peu qu'ils l'eussent montrée, elle aurait été abîmée par le feu des batteries; et qu'auraient-ils fait du feu des petites armes? auraient-ils tiré contre des canons à coups de fusil? pou<141>vaient-ils arracher des chevaux de frise et abattre des palissades en tirant? Comme tout cela se trouvait impossible, on pouvait s'assurer d'avoir profité dans cette position de tout l'avantage que le terrain joint à la fortification peut donner à une armée sur une autre. Ce fut avec ces dispositions que les Prussiens attendirent tranquillement les entreprises de leurs ennemis.
On prit, peu après l'arrivée de M. de Buturlin, un officier russe qui s'était égaré la nuit, et qui, croyant approcher des gardes de son camp, se trouva au milieu de celles des Prussiens. Cet homme, qui n'était pas fin, dit ingénument que les généraux avaient résolu d'attaquer les retranchements du Roi le 1er de septembre. Il était vrai que MM. Buturlin et Loudon étaient convenus de cette attaque, et elle aurait eu lieu, sans les circonstances suivantes. M. de Buturlin, qui faisait à table de longues séances où le vin n'était pas épargné, avait consenti, dans un moment de gaieté et le verre à la main, à ce que M. Loudon lui avait proposé. Les dispositions des trois attaques étaient écrites; on les avait envoyées aux principaux officiers des armées qui avaient des commandements, et M. Loudon retourna, satisfait des Russes, chez lui. M. Buturlin dormit, et ayant consulté sa prudence à son réveil, il contremanda les ordres qui avaient été donnés, parce qu'il craignit, avec quelque raison, que les Autrichiens ne sacrifiassent son armée et ne le soutinssent pas, et que si l'entreprise ne réussissait point, les Russes n'en eussent le blâme et la honte; et au lieu des grands projets dont il s'était occupé le midi, il se rabattit à faire jeter quelques bombes au camp prussien, qui ne purent l'atteindre de quelques centaines de pas. Lorsque M. Loudon apprit ce changement subit, il en fut furieux; des courriers partirent pour Vienne, les généraux se témoignèrent quelque froideur, et cependant les choses en restèrent là, si l'on en excepte que M. de Loudon fit approcher de Wartha le corps de M. de Draskovics, qu'il plaça sur les hauteurs de Ludwigsdorf. Les armées passèrent le reste du temps<142> à s'entre-regarder, jusqu'au 10 de septembre, que M. Buturlin décampa et prit le chemin de Jauer, parce que les Autrichiens n'avaient pas des magasins assez considérables ni des troupeaux assez nombreux pour lui fournir le pain et la viande. M. Loudon, qui se croyait exposé s'il restait dans la plaine après le départ des Russes, se replia dans les montagnes, et reprit son ancienne position de Kunzendorf.
Le Roi détacha, le même jour, M. de Platen pour Breslau, avec le corps qu'il avait toujours commandé, sous prétexte d'amener un convoi à l'armée. Le véritable but de sa destination était de passer l'Oder, et de forcer de marches pour ruiner le grand magasin que les Russes avaient dans une petite ville du palatinat de Posnanie, nommée Kobylin, pour se rendre de là auprès du prince de Würtemberg, puisqu'on prévoyait qu'il aurait besoin de secours; et enfin, après que la campagne de Poméranie serait terminée, il devait joindre le prince Henri en Saxe. M. de Platen détruisit l'amas de Kobylin;142-a il y prit cinq mille chariots, cinq bataillons, quarante-deux officiers, et sept canons. Il s'avança de là sur Posen, où il ruina tout ce qui appartenait aux Russes; après quoi il poursuivit sa marche vers la Poméranie et vers Colberg. Cette expédition hâta la retraite de M. Buturlin, et lui fit perdre les idées qu'il pouvait avoir formées d'incursions dans la Marche électorale. Il se pressa de repasser l'Oder, pour regagner la Pologne. Le corps de M. Czernichew ne fut point de cette marche; il montait à peu près à vingt mille hommes, et il était demeuré auprès de M. Loudon, comme une marque singulière d'amitié que l'impératrice de Russie voulait donner à l'Impératrice-Reine.
Si les subsistances avaient permis à l'armée du Roi de se soutenir dans le camp de Bunzelwitz, la campagne se serait écoulée en Silésie<143> sans que les formidables apprêts des ennemis eussent produit d'événements remarquables. Mais le magasin de Schweidnitz, qui avait fourni des vivres à l'armée pendant une grande partie de cette campagne, tirait à sa fin. Les provisions qui y restaient, n'étaient que pour un mois. Depuis le départ de M. de Platen, le Roi n'osait pas affaiblir l'armée par de nouveaux détachements. Les grands dépôts se trouvaient à Breslau, et il ne fallait pas moins de dix mille hommes d'escorte pour conduire de là en sûreté des convois au camp. Ces raisons, mûrement examinées, firent résoudre à s'approcher avec l'armée de Neisse, où l'on trouverait des provisions et des fourrages en abondance, et d'où l'on pouvait donner des jalousies à l'ennemi, tant sur le comté de Glatz que sur la Moravie, afin d'attirer M. Loudon de ce côté, et d'éloigner par là les Russes et les Autrichiens de Schweidnitz. En conséquence de cet arrangement, l'armée prit premièrement le camp de Pülzen, où elle resta quelques jours. Le Roi laissa dans Schweidnitz cinq bataillons complets, les convalescents de l'armée, et cent dragons. Il recommanda à M. de Zastrow, qui commandait dans la place, d'user de précaution et de vigilance, pour prévenir toutes les entreprises que l'ennemi pourrait former dans l'absence de l'armée prussienne. Le Roi prit le 28 le camp de Siegroth, et le 29, celui de Nossen, près de Münsterberg, où il s'arrêta pour juger par la manœuvre des ennemis quel parti ils prendraient. M. Loudon détacha aussitôt pour renforcer les postes de Silberberg et de Wartha; mais son armée, où se trouvait M. de Czernichew, était si nombreuse, que vingt ou trente mille hommes de moins ne l'empêchaient pas d'agir comme il le voulait.
Le 1er d'octobre, le Roi apprit à Nossen que, par un coup de main, les Autrichiens s'étaient rendus maîtres de Schweidnitz. Quelque incroyable que parût cette nouvelle, elle se trouva néanmoins véritable. Cette entreprise avait été concertée et conduite de la manière suivante. On gardait environ cinq cents prisonniers dans cette place,<144> entre lesquels un major Roca,144-a Italien et partisan, était un des plus considérables. Ce major s'était proposé de faire tomber entre les mains des Autrichiens la place où il était détenu. Dans cette vue, il avait eu assez de souplesse et d'adresse pour s'insinuer si bien dans l'esprit du commandant, que celui-ci lui accordait plus de liberté qu'un prisonnier ne doit en avoir, surtout lorsque la ville où on le retient, se trouve environnée d'ennemis. Roca se promenait dans les ouvrages; il savait la place de toutes les gardes et de tous les détachements; il observait les diverses négligences qui se faisaient dans le service de la garnison; il vivait non seulement ouvertement avec tout le monde, mais voyait de plus assez souvent les soldats autrichiens prisonniers comme lui; enfin, il intriguait dans la ville, n'épargnait rien pour des corruptions, et il informait exactement M. Loudon de tout ce qu'il voyait, de tout ce qu'il apprenait, et de tout ce qu'il imaginait pour lui faire prendre cette ville. Ce fut sur les notions que donna ce major à M. Loudon, qu'il forma son projet pour surprendre la place, et, la nuit du dernier de septembre au 1er d'octobre, il l'exécuta comme nous l'allons dire. Il distribua vingt bataillons en quatre attaques, l'une sur la porte de Breslau, l'autre sur la porte de Striegau, la troisième sur le fort de Bögendorf, et la quatrième sur le fort de l'Eau. M. de Zastrow144-b avait été au bal; comme cependant il se doutait de quelque chose, il fit prendre sur le soir les armes à la garnison, et la distribua dans les ouvrages; mais il commit la faute de ne point donner aux officiers d'instruction sur la manière dont ils devaient se conduire, de ne point envoyer sa cavalerie à la décou<145>verte à une certaine distance, de ne point faire jeter des boules de feu pour éclairer la campagne, enfin d'être trop négligent dans tous ses devoirs. Les Autrichiens s'avançaient pendant ce temps-là, et parvinrent jusqu'aux palissades avant d'être découverts. Pour toute défense, il n'y eut que douze coups de canon de tirés, et si peu de feu des petites armes, que les ennemis purent faire ce qui leur plut. La garde de la porte de Striegau fut surprise; de là ils pénétrèrent dans les ouvrages. Dans cette confusion, les prisonniers autrichiens levèrent le masque; ils s'emparèrent de la porte intérieure de la ville, et l'ouvrirent aux premières troupes des ennemis qui s'en approchèrent; enfin, en moins d'une heure, les Autrichiens se rendirent maîtres de toute la ville. M. de Béville, qui commandait dans la redoute de l'Eau, fut le seul qui tînt ferme jusqu'à ce que toutes les ressources fussent perdues, et qu'il ne lui restât plus de moyens pour se défendre. Le hasard fit qu'un magasin à poudre sauta dans le fort de Bogendorf, qui fit perdre quelque monde aux Autrichiens; sans quoi la prise de cette ville ne leur aurait rien coûté.
Un malheur aussi imprévu dérangea toutes les mesures du Roi; il fallut abandonner ses projets, changer de plan, et ne plus penser pour le reste de la campagne qu'à conserver ce qu'on pouvait maintenir de forteresses et de pays contre la grande supériorité des ennemis. L'armée marcha à Strehlen, où elle s'établit à demeure, afin de couvrir également Neisse, Brieg, et Breslau. Le Roi avait, par précaution, fait retrancher un camp auprès de Breslau. L'intention première avait été de s'en servir pour les détachements qui s'approchaient souvent de cette capitale, et où ils auraient pu se soutenir contre l'ennemi jusqu'à l'arrivée de l'armée du Roi. Dans les circonstances où l'on se trouvait alors, l'armée aurait pu s'en servir elle-même : les Prussiens avaient une marche de moins pour y arriver que l'ennemi. Dès lors le Roi se trouvait restreint à une défensive rigoureuse; mais il ne fallait pas que M. Loudon pût s'en douter, parce que ce secret, connu,<146> lui aurait donné gain de cause sur les Prussiens. Pour mieux déguiser ses intentions, le Roi donna des ordres à l'armée pour que les troupes se préparassent au combat, qu'on rechargeât les fusils, qu'on aiguisât les lames des épées, et qu'on distribuât des munitions suffisantes à l'artillerie; enfin on ne parlait que de grands préparatifs et de grands projets. Des espions autrichiens connus, qui étaient dans l'armée, partirent sur-le-champ pour en instruire M. Loudon, et ce qui peut-être paraîtra incroyable à la postérité, c'est que cette armée autrichienne et russe, campée sur les montagnes de Kunzendorf, à trois marches des Prussiens, passa huit nuits au bivouac, comptant certainement d'être attaquée d'un moment à l'autre.
M. Czernichew pressait fortement le général autrichien de marcher sur Breslau. La raison de guerre et les raisons de politique l'exigeaient ainsi; car M. Loudon, en portant sa grande armée dans la plaine, aurait débordé les Prussiens de tous les côtés; il les aurait abîmés, et aurait eu l'honneur d'avoir terminé la guerre. Il s'excusa à M. de Czernichew de ce qu'il ne pouvait s'avancer si loin dans le pays, à cause que les vivres lui manquaient, de même que les chevaux pour le transport. M. Loudon cachait sa véritable raison de ne rien entreprendre : il craignait de s'exposer dans la plaine, parce que les Autrichiens y avaient souvent été battus. D'ailleurs, comme il ne tenait à rien, et qu'il n'avait point de protection à la cour de Vienne, il ne voulut rien hasarder; il se contenta de la réputation que la prise de Schweidnitz lui avait faite, et il continua de se tenir sur ses montagnes dans une inaction parfaite.
Nous ne devons pas omettre un fait dans cet ouvrage, qui caractérise et cette guerre, et l'esprit du temps. Le margrave Charles était chargé de la correspondance avec les ennemis. Les Prussiens avaient un cartel avec les Autrichiens, que ces derniers rompaient quand ils croyaient y trouver leur avantage. Il y avait près de deux ans qu'ils n'avaient voulu consentir à aucun échange de prisonniers. Ils payaient<147> mal et irrégulièrement les soldats et les officiers, et forçaient les premiers, par les châtiments et la rigueur, de prendre service dans leurs troupes. Des traitements si durs donnèrent lieu au margrave d'en écrire à M. Loudon, et il lui marqua, entre autres, qu'il semblait que les Autrichiens renonçaient aux usages que les chrétiens observaient ordinairement dans leurs guerres, et qu'ils adoptaient les principes des infidèles, qui traitent leurs prisonniers en esclaves, et ne les rançonnent jamais. M. Loudon y répondit que l'Impératrice se croyait dispensée de garder des engagements envers le roi de Prusse; qu'il n'était plus question de cartel; qu'elle ne lui garderait sa parole sur rien; et qu'elle en userait envers les prisonniers comme elle le jugerait à propos. M. Loudon, honteux de ce qu'on lui faisait écrire, ajouta de sa propre main, au bas de la lettre, qu'il se flattait bien qu'on reconnaîtrait, par le style de cet écrit, qu'il ne sortait pas de sa plume. Tel était l'acharnement et la haine de la cour de Vienne, dont même elle avait communiqué le poison à ses alliés. Quelle que fût l'animosité que l'Impératrice eût contre le roi de Prusse, ne devait-elle pas sentir qu'en manquant de parole à qui que ce fût, elle ne faisait du tort qu'à elle-même?
Sur la fin d'octobre, les affaires s'embrouillèrent tellement en Poméranie, que le Roi ne put se dispenser d'y envoyer de nouveaux secours. Il fit partir M. de Schenckendorff147-a avec six bataillons et dix escadrons. Nous verrons dans peu à quel usage ce détachement fut employé. Le Roi tint sa position de Strehlen jusqu'au 10 de décembre, que les troupes entrèrent dans les quartiers d'hiver. M. de Loudon avait déjà renvoyé en Saxe le détachement d'O'Donnell, et ses troupes se cantonnaient dans les montagnes. Les Russes étaient entrés dans le comté de Glatz. De la part des Prussiens, le régiment de Bernbourg fut jeté dans Neisse; M. de Wied hiverna aux environs de Grottkau avec dix bataillons et autant d'escadrons. Les environs de<148> Breslau furent occupés par vingt bataillons et quarante escadrons, et M. de Zeuner148-a marcha à Glogau, pour que cette place fût au moins durant l'hiver hors d'insulte. Outre cela, M. de Schmettau148-b partit avec quelque cavalerie pour Guben, afin d'assurer la communication de Berlin et de l'armée de Saxe.
Après avoir rapporté sans interruption ce qui se passa cette année en Silésie, nous allons jeter un coup d'œil sur les événements de la Poméranie. Le prince de Würtemberg était entré dans le camp de Colberg le 4 juin, où M. de Thadden le joignit le 7 du même mois. La position des Prussiens entourait Colberg de manière que les deux ailes du retranchement aboutissaient à la Baltique. La rivière de Rega148-c couvrait la droite du camp, et le centre, qui en était la partie la plus abordable, était défendu par de bons retranchements. D'abord M. de Werner avait été détaché à Cörlin,148-d d'où il se retira à l'approche de M. de Romanzoff, qui s'avançait à la tête de douze mille Russes. M. Romanzoff choisit sa première position au Gollenberg. Tout demeura assez tranquille jusqu'au 20 d'août, que les flottes russe et suédoise combinées parurent devant Colberg; elles s'approchèrent du port, et canonnèrent vivement sur les batteries des Prussiens, qui défendaient le port et le rivage. M. de Romanzoff prit ce temps-là pour s'approcher du prince de Würtemberg, et se campa à un quart de lieue des Prussiens. Le prince de Würtemberg n'avait rien à craindre jusque-là. Il n'avait qu'un reproche à se faire, qui était de n'avoir pas fourni les magasins d'approvisionnements aussi abondants qu'on le lui avait recommandé; il ménagea même les environs de son camp, où il savait que les Russes allaient arriver; en un mot,<149> le peu d'attention qu'il eut pour les subsistances, fut cause de tous les malheurs qui arrivèrent en Poméranie. La première suite en fut qu'il détacha M. de Werner, par ménage pour ses vivres, et peut-être encore parce qu'ils ne pouvaient pas se comporter ensemble. M. de Werner marcha à Treptow; il eut l'imprudence de faire cantonner son monde; les Russes le surprirent; il fut fait prisonnier, et près de cinq cents chevaux de son corps eurent le même sort. Les Russes, encouragés par ce succès, tentèrent, la nuit du 17 au 18 de septembre, d'enlever un bataillon franc qui était posté devant la gauche des Prussiens, dans une redoute si éloignée du camp, qu'on ne pouvait pas même l'atteindre à coups de canon. L'ennemi passa par un lieu qu'on avait cru un marais impraticable, faute de le sonder; il attaqua la redoute par la gorge, et il enleva deux cents hommes qui la défendaient. M. de Romanzoff, enflé de ces petits succès, crut qu'il ne dépendait plus que de lui d'emporter les retranchements prussiens lorsqu'il voudrait l'entreprendre; il s'approcha de la redoute Verte, qui était du côté du centre du prince de Würtemberg. Il ouvrit les tranchées, et établit des batteries comme s'il s'était agi du siége régulier d'une place; il l'attaqua en forme le 19, et l'emporta. A peine voulut-il s'y établir, que le colonel Kleist,149-a à la tête des grenadiers, l'en délogea avec perte de onze cents hommes. Cette redoute était placée, contre les règles, à trois mille pas du retranchement, dont elle était séparée par un ravin. Cependant, quoiqu'elle fût isolée, et qu'elle donnât prise sur elle, les Russes, découragés par la perte qu'ils venaient de faire, ne l'inquiétèrent plus.
M. de Platen, ayant pris le magasin de Kobylin, traversait alors la Nouvelle-Marche, d'où il se porta droit sur Cörlin. Il y prit un détachement de trois cents Russes; mais cela ne fit point d'impression sur M. Romanzoff, qui ne remua pas dans son camp. Le prince de Würtemberg désirait que M. de Platen se portât à dos de l'ennemi,<150> pour l'attaquer en même temps en front; mais par une fatalité commune à toutes les armées, ces deux généraux, différant en tout de sentiments, ne purent convenir de rien. M. de Platen tourna vers Spie, et vint se camper à la droite du prince, sur le Kautzenberg; et leur voisinage ne fit qu'augmenter leur mésintelligence.
Cependant MM. de Fermor et de Berg avaient suivi de près M. de Platen. Berg, avec dix mille tant Cosaques que dragons qu'il avait sous ses ordres, se posta à Greifenberg. D'autre part, la saison, qui devenait de jour en jour plus rude, empêchait la flotte combinée des Suédois et des Russes de tenir plus longtemps la mer; elle se retira vers ses ports nationaux, et se contenta de laisser deux frégates sur la rade de Colberg pour en bloquer le port. C'en était assez pour empêcher les convois, dont on avait un besoin pressant, d'entrer dans la ville. Le prince de Würtemberg, ne pouvant se procurer par mer de nouvelles subsistances, voulut en faire arriver par terre de Stettin. Il détacha pour cet effet M. de Platen, afin d'assurer la marche des convois. M. de Platen dirigea sa route, par Treptow, Stuchow150-a à Gollnow; il avait dans ce camp un défilé devant lui, qu'il fit passer, sans qu'on en sache la raison, à un régiment de hussards et à deux bataillons. Ces troupes furent aussitôt attaquées par M. de Fermor, qui s'y trouvait avec toute sa division, et le détachement fut battu et pris. Après ce malheur, M. de Platen se retira sur Damm, et l'ennemi détruisit le convoi qu'il devait couvrir. Le prince de Würtemberg, qui ignorait ce qui s'était passé à Gollnow, détacha encore à Treptow M. de Knobloch avec trois bataillons et cinq cents chevaux, pour couvrir le convoi qu'il supposait devoir arriver, et qui était pris. A peine M. de Knobloch fut-il arrivé à Treptow, que neuf mille Russes l'environnèrent, et le prirent, faute de munitions de guerre et de bouche, après qu'il se fut bien défendu pendant trois jours. Si le prince de Würtemberg eût eu cent mille hommes à ses ordres, il aurait trouvé<151> le moyen de les perdre en détail, par les détachements qu'il risquait, et qu'il ne pouvait pas soutenir. L'ennemi profita des fautes et des malheurs des Prussiens : à son tour il bloqua le prince de Würtemberg, de sorte que M. de Platen, qui ne put pas le rejoindre, se retira du côté de Stargard, où il fut suivi par M. de Berg.
Le Roi, informé de la déplorable situation de ses affaires en Poméranie, y envoya MM. de Schenckendorff et d'Anhalt, comme nous l'avons dit plus haut. Il n'était plus possible désormais de ravitailler les magasins de Colberg. Le dernier convoi, que les Russes venaient de prendre, avait emporté tous les chevaux que les provinces se trouvaient en état de fournir. D'ailleurs, les Russes étaient si supérieurs en nombre, ils avaient détaché tant de troupes entre Colberg et Stettin, qu'il était moralement impossible d'y faire passer un convoi : il fallait dès lors regarder la place comme perdue, et sauver les troupes du prince de Würtemberg, parce que c'était tout ce qu'il y avait de mieux à faire dans ces tristes conjonctures. Quelque diligence qu'eût faite M. de Schenckendorff, il ne put joindre M. de Platen que le 10 de novembre, entre Pyritz et Arnswalde. Ils marchèrent ensemble sur Greifenberg, où ils trouvèrent vis-à-vis d'eux M. Jacobleff, qui y avait été détaché de la grande armée. Pendant que M. de Platen le contenait, le prince de Würtemberg quitta son camp la nuit du 14 au 15, et longeant le rivage de la Baltique, il arriva à Treptow, sans avoir rencontré d'ennemis sur la route. Il se joignit ensuite au corps qui l'avait dégagé. Après leur réunion, ils tentèrent encore de déloger les Russes du voisinage de Colberg, en se portant à dos de leur armée. Mais ayant remarqué qu'ils n'obtiendraient pas leur but par cette manœuvre, ils s'avancèrent le 12 de décembre sur Spie, ils attaquèrent la redoute de Drenow, qu'ils emportèrent, et prirent les troupes qui la défendaient; ils auraient poussé plus avant, si toute l'armée russe ne se fût présentée devant eux dans le même camp que les Prussiens avaient occupé; et comme ils comprirent l'impossibilité d'attaquer<152> l'ennemi dans ses retranchements, ils se replièrent sur Greifenberg, où ayant appris que la famine avait obligé la garnison de Colberg à se rendre, ils se retirèrent à Stettin. Le prince de Würtemberg tira un cordon derrière l'Oder avec quelques troupes qu'il laissa, pour couvrir Stettin; et en même temps, M. de Thadden partit pour la Lusace, M. de Platen, pour la Saxe, et le prince de Würtemberg prit le chemin du Mecklenbourg.
Nous avons été occupé d'objets si importants, que nous n'avons pas fait mention de l'armée suédoise, et de M. de Belling,152-a qui lui fit tête avec quinze cents hussards et deux bataillons. M. d'Ehrensward avait passé la Peene le 19 juillet à la tète des Suédois. M. de Belling, qui était à Malchin, ayant appris qu'un corps de Suédois campait à Bartow, l'attaqua, et lui prit cent hommes avec trois canons; de là il fondit sur M. de Hessenstein, qui était à Ropnack, et lui enleva six cents hommes avec six canons; à une autre reprise ce M. de Hessenstein fut encore battu et perdit trois cents hommes. Ces petits avantages n'empêchaient pas cependant l'armée suédoise de s'avancer dans la Marche-Ukraine; six mille Suédois, qui venaient de Treptow-sur-la-Tollense, s'approchèrent pour attaquer M. de Belling; mais il s'embusqua, il tomba sur les ennemis à l'improviste, et leur prit près de six cents hommes. Le prince de Bevern,152-b qui voyait avancer l'ennemi malgré la vigoureuse résistance de M. de Belling, lui envoya un renfort de trois bataillons; et en même temps il fut joint par M. de<153> Stutterheim et quelques troupes de l'armée du prince Henri. Fort de ces secours, Belling tenta contre un corps de Suédois posté à Re-below, et y enleva quelque monde. Le lendemain, M. d'Ehrensward, pour prendre sa revanche, marcha à Gollnow. M. de Belling, qui s'y trouvait, ayant été averti du dessein des ennemis, s'embusqua encore, fondit sur eux, les mit en confusion, et se retira à Rebelow, d'où il se porta à Kuhblank, et les Suédois, sur Friedland. Belling marcha à leur rencontre, entama la cavalerie de Sprengtporten, qui faisait l'avant-garde de ce corps, et la battit. Il tourna sur Löcknitz, d'où ce général infatigable tomba sur les Suédois retranchés à Friedland. Il n'attaqua point le retranchement, faute d'infanterie et de canon, et se contenta d'enlever une grand'garde de quarante dragons. Il semble qu'on écrit l'histoire des Amadis en parlant des prouesses de M. de Belling, qui se bat toujours, et qu'on ne trouve jamais à la même place. Il avait son infanterie à Pasewalk, et s'était posté en avant à Ferdinandshof. Les Suédois s'avancèrent sur lui. Le Prussien culbuta leur avant-garde sur leur infanterie, les força de se retirer, et engagea le lendemain un nouveau combat, où les ennemis perdirent cinq cents hommes.
Le prince de Bevern, obligé d'envoyer des convois à Colberg, retira alors les deux bataillons qu'il avait prêtés à M. de Belling. Ce général même reçut ordre de s'approcher de Berlin, qu'un corps d'Autrichiens répandu dans la Lusace paraissait menacer d'une irruption. Il partit, à la vérité; mais comme il se trouva dans la suite que ce bruit n'avait aucun fondement, il retourna contre les Suédois, où il s'attendait à cueillir de nouveaux lauriers. Cette campagne traîna jusqu'au 6 de décembre, où M. d'Ehrensward quitta Demmin et se rapprocha de Stralsund, et il ne se passa aux bords de la Peene que quelques affaires de parti peu importantes.
Aux approches du prince de Würtemberg du Mecklenbourg, M. de Belling prit les devants. Il trouva à Malchin une garnison qu'il en<154>ferma et tint bloquée jusqu'au moment où le prince de Würtemberg survint. On aurait pu prendre ce bourg l'épée à la main; mais les troupes étaient délabrées, les régiments, fondus et accablés de fatigues, et d'ailleurs, il fallait conserver son monde pour de meilleures occasions. Par ces raisons, on se contenta de canonner vivement la ville, et on l'aurait prise; mais M. d'Ehrensward, averti du danger des siens, y accourut avec toute son armée. Il retira la garnison de Malchin, et reprit la route de Stralsund. Les troupes de part et d'autre entrèrent dans leurs quartiers d'hiver, les Suédois près de Stralsund, et les Prussiens dans le duché de Mecklenbourg, aux environs de Schwerin et de Rostock.
Nous n'avons rapporté cette campagne des Suédois que pour donner une farce après une tragédie; car on ne peut s'empêcher de s'étonner comment seize mille Suédois ont été arrêtés et contraints de se retirer toutes les années sur leurs frontières par une poignée de monde qu'on leur opposait. Il semble que ce ne fût plus cette même nation si redoutable sous Charles XII; aussi était-elle bien dégénérée depuis que la forme de son gouvernement avait changé. Ses troupes faisaient la guerre sans établir de magasins, et sans caissons pour leurs vivres, obligées par conséquent de se mettre en petits corps pour subsister. Il se présentait toujours des occasions où on les pouvait battre en détail; mais ce n'était pas là le plus grand inconvénient. La racine du mal tenait, dans leur armée, à ces factions qui divisaient les généraux et les officiers, à ces haines de partis qui les animaient plus les uns contre les autres que contre les ennemis qu'ils devaient combattre. Il est à croire qu'ils ne pourront avoir des succès à la guerre que lorsqu'ils auront aboli les abus de leur forme de gouvernement.
Nous avons dit que M. de Platen était en pleine marche pour la Saxe, et il est à propos de reprendre ce qui se passa cette année dans l'armée du prince Henri. Nous avons laissé S. A. R. au camp de Meissen<155> et des Katzenhauser, le maréchal Daun à ses camps du Windberg et de Dippoldiswalda, et l'armée des cercles entre Hof et Plauen. S. A. R., qui devait observer le maréchal Daun, et le suivre au cas qu'il marchât en Silésie, s'était proposé de ne point s'éloigner des bords de l'Elbe, pour passer cette rivière en même temps que les ennemis. En attendant, pour tenir les Autrichiens en haleine, et les réduire en quelque sorte à la défensive, le prince fit harceler ou attaquer tous les détachements que le maréchal Daun avait tant soit peu éloignés de son armée. M. de Kleist, entre autres, délogea d'auprès de Freyberg les quatre régiments de dragons saxons qui faisaient mine de vouloir s'y établir. Ce général, après les avoir poursuivis vers Dippoldiswalda, profita de l'occasion pour tomber à l'improviste à Marienberg sur le corps de M. Török, qu'il contraignit de se réfugier en Bohême. M. de Seydlitz, de son côté, donna la chasse à M. de Ried, qui abandonna sa position de Kesselsdorf, et se replia en hâte sur le camp du Windberg. Les Autrichiens souffrirent tranquillement ces petites bravades, et les traitant en bagatelles, ils ne pensèrent pas même à en prendre leur revanche.
Le maréchal Daun continua de demeurer dans l'inaction jusqu'à ce que la campagne s'ouvrit en Silésie; il se borna alors à ôter toute communication directe aux deux armées prussiennes; il détacha M. de Lacy, qui passa l'Elbe et se posta au village de Döbritz, proche de Grossenhayn. Le maréchal Daun y gagna que les courriers prussiens furent obligés de prendre de plus grands détours pour rendre leurs dépêches avec sûreté. L'inconvénient qui en résultait, n'était pas de conséquence; mais il en pouvait résulter un autre plus considérable : c'était que si le maréchal Daun avait entrepris de marcher en Silésie, S. A. R., ne pouvant passer l'Elbe que plus bas, perdait au moins une marche, et aurait trouvé dès son passage M. de Lacy vis-à-vis d'elle, qui lui aurait rendu la traversée de la Lusace difficile. Le Prince supposa un autre dessein au maréchal Daun : il crut que le mouvement<156> que M. de Lacy venait de faire, avait pour but de joindre son corps avec les Russes, ou de l'employer à quelque nouvelle incursion dans la Marche électorale. Il n'était pas possible que le Prince s'opposât à tant de choses à la fois; il se contenta d'envoyer M. de Röell156-a avec une troupe de hussards à Torgau pour observer de là les mouvements de M. de Lacy et en faire son rapport. S. A. R., pour se mettre en état de prévenir les desseins de l'ennemi sur la capitale, fit cantonner une partie de ses troupes entre Strehla et Limbach, par où elle gagna une marche d'avance, en cas qu'il fallût penser à couvrir Berlin. Ces troupes, cachées au maréchal Daun, pouvaient servira faire à la dérobée des détachements dont il était bien difficile que l'ennemi fût instruit. L'occasion ne tarda pas à s'en présenter. M. de Kleefeld avec un corps des cercles s'était avancé à Penig. Le Prince envoya M. de Kleist pour l'obliger à quitter ce poste. A peine fut-il chassé, qu'il revint, pour se faire expédier la seconde fois comme la première.
Dans ces temps, le Roi était si occupé avec les Autrichiens et les Russes, qu'à peine avec toutes ses troupes pouvait-il se soutenir contre la supériorité de ses ennemis. Le prince son frère crut que M. de Belling avait besoin de secours pour s'opposer avec plus de succès aux entreprises que les Suédois pouvaient former encore. Il était le seul qui pût y faire passer des troupes, parce que jusqu'alors le maréchal Daun se tenait tranquille. Le prince fit donc partir M. de Stutterheim le cadet avec quatre bataillons pour joindre M. de Belling, et nous venons de voir l'usage qu'il fit de ces troupes. La raison principale qui détermina S. A. R. à faire ce détachement, était d'avoir des troupes à portée de défendre la capitale, si cela était nécessaire, contre les incursions de quelques petits corps, parce que<157> la garnison de Berlin ne consistait alors qu'en deux faibles bataillons de milice.
La petite guerre continua en Saxe de la part des Prussiens. M. de Kleist battit une seconde fois un corps ennemi auprès de Freyberg, et M. de Seydlitz défit un gros corps de cavalerie près de Pretzschendorf. Dans ces entrefaites, les troupes des cercles se mirent en mouvement. M. de Serbelloni, qui les commandait, s'était avancé à Ron-nebourg, et comme de là il lui aurait été facile de tourner le flanc des Prussiens, S. A. R. envoya contre lui M. de Seydlitz avec cinq bataillons et quinze escadrons. Ce général manœuvra avec tant d'art et d'habileté, il donna tant d'appréhensions à M. de Serbelloni pour l'armée qu'il commandait, que celui-ci se crut obligé de se replier sur Hof dans l'Empire.
L'armée française faisait alors quelques progrès. Le corps du comte de Lusace avait pénétré par Eimbeck dans l'électorat de Hanovre, et menaçait la ville de Wolfenbüttel; et comme la faiblesse de la garnison faisait craindre que sa défense ne fût pas vigoureuse, S. A. R. y envoya le colonel Bohlen avec quinze cents hommes. Il voulut se jeter dans la place; mais M. de Stammer, qui y commandait pour le duc, ne voulut pas le recevoir. M. de Bohlen se retira, et deux jours après, le comte de Lusace s'en rendit maître. Dès que les Saxons eurent pris Wolfenbüttel, M. de Serbelloni détacha le général Luszinzky avec six mille hommes pour les joindre; il se porta vers la Saale, et s'empara de Halle. Le Prince lui opposa M. de Seydlitz, qui, passant par Dessau et Bernbourg, se mit en devoir de disputer aux ennemis l'entrée du duché de Magdebourg. Mais le comte de Lusace avait déjà évacué Wolfenbüttel; il s'était replié en Hesse, et M. Luszinzky, sur l'armée des cercles, de sorte que M. de Seydlitz, devenant désormais inutile dans cette partie, vint rejoindre S. A. R. Les affaires étaient à peine redressées du côté de la Basse-Saxe, que le départ de M. de Buturlin de la Silésie fit appréhender qu'il ne marchât droit à<158> Berlin, de même que les Russes l'avaient fait la campagne précédente. Pour observer les mouvements de cette armée, le Prince détacha M. de Podewils avec huit cents chevaux pour Fürstenwalde; mais l'expédition de M. de Plat en sur Kobylin ne permit pas aux Russes de suivre ce projet, en cas qu'ils y pensassent réellement, et la capitale fut rassurée.
Les Autrichiens sortirent enfin de léthargie. Le maréchal Daun, qui aurait expulsé les Prussiens de la Saxe, s'il avait voulu l'entreprendre, borna ses opérations à s'étendre dans toute cette chaîne des montagnes saxonnes qui confinent à la Bohême. C'était se contenter d'un village, lorsqu'on pouvait avoir un royaume. M. de Hadik partit avec un corps considérable de Dippoldiswalda, et s'établit à Freyberg, tandis que le maréchal fit alarmer tous les postes des Prussiens sur la Triebisch, pour empêcher S. A. R. de se porter en force contre M. de Hadik. Le mouvement que les Autrichiens venaient de faire, les portait immédiatement sur le flanc droit du camp qui occupait les Katzenhäuser. Pour obvier à cet inconvénient, le prince changea la position des troupes; il fit préparer un camp retranché au Pétersberg, et en donna le commandement à M. de Seydlitz.
Les opérations des Autrichiens se terminèrent en Silésie, comme nous l'avons dit, par la prise de Schweidnitz. M. Loudon, se sentant assez fort par les troupes russes de Czernichew, qui étaient à ses ordres, renvoya en Saxe M. Campitelli avec le corps que M. O'Donnell lui avait amené de Lusace. Ce général passa le pont de Dresde le 1er novembre, d'où il fut envoyé à Freyberg pour renforcer M. de Hadik dans les montagnes. Le maréchal Daun quitta sur cela son camp du Windberg, et s'avança en force sur le front de l'armée prussienne. La journée se passa de part et d'autre à se canonner, et à quelques affaires de détail entre des corps d'infanterie des deux armées; les Prussiens repoussèrent les ennemis, qui voulaient les déposter des passages de la Triebisch qu'ils défendaient. Pendant que le<159> maréchal Daun alarmait les Prussiens, M. de Hadik s'avançait sur les bords de la Mulde, où il s'établit depuis Nossen et Döbeln jusqu'à Rosswein. Ces postes derrière la Mulde, que les Autrichiens occupaient, sont d'un très-difficile abord. Les hauteurs étaient pour eux, dans toute l'étendue du terrain, et la rivière, dont le lit est creusé dans le roc, empêche de la passer autrement que sur les ponts de pierre qui s'y trouvent à trois endroits. S. A. R., ne se trouvant pas assez en force pour entreprendre de déloger un ennemi supérieur en nombre d'une position aussi avantageuse, se borna à bien retrancher les postes que son armée occupait, afin de s'y soutenir durant l'hiver. Les Prussiens surent si bien se faire respecter des ennemis, que tous les détachements que M. de Hadik poussa au delà de la Mulde, furent repoussés ou battus.
Le Roi, s'étant flatté que la campagne des Russes en Poméranie ne serait ni longue ni dangereuse, avait destiné M. de Platen pour la Saxe. Mais les affaires ayant pris une tournure fâcheuse, comme nous l'avons dit, M. de Platen ne put joindre l'armée de S. A. R. que le 11 de janvier. A peine fut-il arrivé à Altenbourg et à Naumbourg, pour y prendre des quartiers, que l'armée des cercles s'avança sur les lieux dont il venait de prendre possession. Il leur céda le terrain qu'il ne pouvait pas défendre; en se retirant, M. de Stojentin, colonel du régiment de Jeune-Brunswic, fut attaqué par quatre mille hommes, et il se défendit si bien, qu'il gagna Meuselwitz sans avoir fait d'autre perte que celle de ses malades, qu'il ne put emporter d'Altenbourg. Les Prussiens soutinrent leur position tout l'hiver; il y eut des alertes, que le voisinage des deux armées rendit fréquentes; mais quoi qu'il arrivât, il était si important de conserver la Saxe, dans les fâcheuses conjonctures où se trouvaient alors les affaires prussiennes, que S. A. R. risqua tout pour s'y maintenir, à quoi elle réussit, moins par la force de son armée que par ses bonnes dispositions, sa constance et sa fermeté.
<160>Pour achever le tableau général de cette année, il ne nous reste plus qu'à suivre les opérations de l'armée des alliés contre celle des Français. Nous avons laissé le prince Ferdinand à Paderborn, le Prince héréditaire à Münster, M. de Soubise au Bas-Rhin, M. de Broglie à Cassel, et le comte de Lusace aux environs d'Eisenach. M. de Soubise ouvrit la campagne en se portant sur Dortmund, tandis que M. de Broglie assembla différents corps qui menaçaient la Diemel. Le prince Ferdinand laissa M. de Sporcken sur la Diemel, avec ordre de se retirer à Lippstadt, au cas que l'ennemi vînt sur lui en force, et la grande armée des alliés s'avança vers M. de Soubise. Cette armée du Bas-Rhin avait marché sur Unna. Le Prince héréditaire s'approcha de Hamm; et le prince Ferdinand, ayant des nouvelles que M. de Soubise avait poussé en avant un corps aux ordres du prince de Condé, se fit joindre par le Prince héréditaire, attaqua cette avant-garde, et la contraignit de se replier sur son armée. Le prince trouva les Français trop bien retranchés pour risquer de s'engager avec eux, et marcha sur Dortmund, pour tourner leur position. Le soir qu'il arriva au pont de Kurl, il y fut attaqué par les Français, qu'il repoussa avec perte.
La position que les alliés venaient de prendre, aurait mis M. de Soubise en peine pour ses subsistances, si M. de Broglie, qui venait à son secours, n'eût alors débouché sur la Diemel. A l'approche des Fiançais, M. de Sporcken se retira avec quelque perte; mais au lieu de se rendre à Lippstadt, comme il en avait l'ordre, il se retira sur Hameln. M. de Soubise n'eut alors rien de plus pressé que de se joindre à M. de Broglie, et leurs deux armées se rencontrèrent à Paderborn. Le prince Ferdinand se mit aux trousses de M. de Soubise; il engagea des affaires d'arrière-garde, mais qui ne furent point décisives. M. de Broglie laissa le comte de Lusace à Paderborn pour couvrir les dépôts qu'il y avait formés, et les deux armées françaises vinrent se camper à Soest. Tandis que les armées françaises et les<161> alliés étaient en mouvement, un partisan de ceux-ci, nommé Freytag, enleva entre Cassel et Warbourg trois convois de farine destinés pour les ennemis. Cette perte dérangea les Français au point qu'ils employèrent dix jours à faire avancer des subsistances, et à rétablir l'ordre dans l'administration de leurs vivres.
Le prince Ferdinand profita de cette inaction pour s'établir solidement dans son camp entre l'Asse et la Lippe; il pourvut en même temps à la sûreté de Lippstadt, en y envoyant à la tête de six bataillons M. de Wangenheim, qui bientôt après y fut joint par M. de Spörcken. Les deux maréchaux français s'avancèrent le 15 de juillet sur le prince Ferdinand. Leur armée, étendue en demi-cercle, embrassa toute la circonférence de son camp, car ils avaient leurs deux ailes sur la Lippe. M. de Broglie força d'abord le poste de Nehlen, défendu par des grenadiers anglais, et, enflé de ce succès, il fit attaquer un petit bois devant le village de Vellinghausen, occupé par la légion britannique; mais il ne put la déloger d'un poste qu'elle soutint avec fermeté et avec constance. Vers les six heures du soir, le combat parut devenir général, et il l'aurait été, si l'obscurité de la nuit ne l'eût suspendu. Le feu recommença le lendemain, dès la pointe du jour. M. de Soubise entama la partie où commandait le Prince héréditaire. Il attaqua un village, mais la vigoureuse défense d'une redoute l'arrêta. En attendant, M. de Broglie faisait des efforts, de son côté, contre le prince Ferdinand; mais ces efforts étaient mous, tellement que le prince s'aperçut, durant le combat, d'un certain flottement dans l'infanterie française, qui dénotait de l'incertitude et du découragement. Il en profita en grand général : M. de Wangenheim l'étant venu joindre alors, il sortit de son poste avec seize bataillons, chargea brusquement les troupes de M. de Broglie, les enfonça et les réduisit à prendre la fuite. Ce coup inattendu obligea les deux maréchaux à lâcher prise; ils perdirent six mille hommes,<162> au lieu que la perte des alliés ne passa pas deux mille, parce qu'ils étaient bien postés et victorieux.
Après l'action, M. de Soubise se sépara de M. de Broglie, et s'approcha de la Ruhr, tandis que son collègue tirait vers Paderborn. Le Prince héréditaire suivit M. de Soubise, et se porta au Haarstrang, pour l'empêcher de repasser la Ruhr; le prince Ferdinand suivit M. de Broglie. Cette armée française s'étendait derrière le Wéser, de Paderborn jusqu'à Hameln. Elle commençait à se fortifier à Hoxter, et y formait un amas de munitions de guerre et de bouche, ce qui fit juger que son dessein était d'assiéger Hameln; sur quoi le prince Ferdinand y détacha M. de Luckner; et comme il ne pouvait empêcher ce siége qu'en donnant à M. de Broglie quelque inquiétude ailleurs, il détacha MM. de Wangenheim et de Wutgenau, qui pénétrèrent par le pays de Waldeck, et défirent un détachement ennemi près de Stadtberg. Cette expédition obligea M. de Broglie d'affaiblir son centre. Le prince Ferdinand n'attendait que cela pour se porter, par Delbrück et Detmold, à Reilkirchen. Les Français, surpris par ce mouvement inattendu, se mirent en marche, et arrivèrent au pied des hauteurs de Reilkirchen, si célèbres par la défaite de Varus. Ils y trouvèrent les Allemands trop solidement établis pour les attaquer impunément, et ils se replièrent sur Neheim et Steinheim. M. Luckner se rendit alors dans le Solling, où il attaqua et battit, entre Göttingue et Höxter, un corps aux ordres de M. de Belsunce. Le prince Ferdinand, qui désirait d'en venir à quelque décision, ne se trouvant pas assez en force dans la position qu'il occupait, attira le Prince héréditaire à lui. Ce prince se porta à dos de l'armée française, et obligea le maréchal de Broglie de lui opposer M. de Stainville. Les Français, pour se dégager des alliés qui les entouraient, attaquèrent la petite ville de Horn, devant la droite du prince Ferdinand; quelques brigades anglaises, qui s'avancèrent pour sou<163>tenir ce poste, leur firent abandonner leur projet. M. de Broglie, découragé par les mauvais succès, et dégoûté par les obstacles qu'il rencontrait partout, renonça au siége de Hameln, et ne pensa plus qu'à déblayer ses provisions de Höxter; il y passa le Wéser sur trois ponts. Les alliés le suivirent; mais ils ne purent point avoir de prise sur lui.
La jonction du Prince héréditaire à l'armée des alliés, qui avait favorisé les affaires de la Basse-Saxe, avait nui à celles du Bas-Rhin. Sa présence y devenant nécessaire, il fut obligé d'y retourner. Par sa marche il obligea le prince de Condé à lever le siége de Hamm. Les Français se retirèrent à Münster, où ils se joignirent à M. de Sou-bise, qui bloquait cette ville. Pour dégager Münster, le Prince héréditaire investit subitement la ville de Dorsten, et s'en rendit maître avec la garnison, qui mit bas les armes. Le prince se trouvait par cette prise dans le voisinage de Wésel, d'où il empêchait l'armée française de tirer des convois. L'embarras où cette expédition mit M. de Soubise, le détermina à lever le blocus de Munster et à se retirer par Dülmen sur Halteren.
Depuis le départ du Prince héréditaire de la Basse-Saxe, M. de Broglie, se trouvant plus à son aise, s'avança sur Eimbeck et sur la Leine; sur quoi le prince Ferdinand partagea son armée : il en laissa la moitié sur le Wéser, et avec l'autre il se mit sur la Diemel, pour tomber de là sur le corps de M. de Stainville. Ce général français pénétra les desseins du prince, se retira en hâte, et se jeta dans le camp retranché qui avait été préparé auprès de Cassel. Ce coup ayant manqué par l'activité de M. de Stainville, le prince Ferdinand prit des arrangements pour s'emparer de Münden. M. de Broglie en fut si fort effrayé, qu'il y accourut avec la moitié de son armée; mais à son approche, les alliés se replièrent sur Geismar. M. de Broglie, trouvant son monde inutile auprès de Münden, envoya quelques<164> renforts à M. de Stainville, et retourna avec le reste de ses troupes à Eimbeck.
Il n'était plus à craindre que M. de Soubise pût assiéger Münster, parce que la saison était trop avancée; et comme le détachement du Prince héréditaire devenait plus utile en Basse-Saxe qu'en Westphalie, le prince Ferdinand lui envoya des ordres pour qu'il joignît son armée sur la Diemel. Aussitôt qu'il fut arrivé, les alliés s'avancèrent vers M. de Stainville, qui se retira encore; et pour la seconde fois M. de Broglie accourut à son secours avec une partie de son monde, car il avait laissé le gros de son armée dans le Solling, depuis Holzmünden jusqu'à Lauenförde. Les alliés, voyant leur projet déconcerté, entrèrent dans la principauté de Waldeck, qui pouvait leur fournir plus de subsistances que la Hesse. M. de Broglie, ayant observé que la manœuvre des alliés ne roulait que sur des diversions pour le détourner de la suite de ses desseins, voulut faire une diversion à son tour, et il envoya le comte de Lusace avec huit ou neuf mille Saxons dans le duché de Brunswic, pour assiéger Wolfenbüttel. Après que cette ville se fut rendue sans grande résistance, le comte de Lusace se tourna sur Brunswic, dont il fit l'investissement. M. Luckner, que le prince Ferdinand avait envoyé pour secourir Wolfenbüttel, arriva trop tard; mais ayant été joint peu après par le prince Frédéric de Brunswic,164-a ce jeune prince, plein d'honneur et d'une noble ambition, pour son coup d'essai força le poste que les ennemis avaient au village d'Oelper, se jeta dans Brunswic, en fit lever le siége, et hâta l'évacuation de Wolfenbüttel. Ainsi Alexandre, au sortir de l'enfance,<165> dans l'armée de son père Philippe, battit les Athéniens avec l'aile de cavalerie qu'il commandait.
Les affaires de détachement n'empêchaient point les grandes armées d'aller leur train. M. de Broglie avait fortifié le poste de Duderstadt; il avait porté M. de Stainville à Jessen; quelques brigades gardaient Eimbeck; et M. de Chabot occupait les gorges d'Eschershausen avec un détachement de dix mille hommes. Si le prince Ferdinand avait permis aux ennemis de soutenir cette position durant l'hiver, cela leur aurait donné de trop grands avantages pour la campagne prochaine. Ce fut ce qui le détermina à percer le centre du terrain que l'armée française occupait. Dans cette intention, le Prince héréditaire et mylord Granby passèrent la Leine, et se portèrent proche d'une hauteur près d'Eimbeck, nommée la Hueffe. Le prince Ferdinand passa, de son côté, le 4, le Wéser à Tündern, et s'avança sur M. de Chabot, qui eut le bonheur de lui échapper; et les ennemis furent vivement poussés de tous les côtés. M. de Broglie crut tout perdu lorsqu'il aperçut le Prince héréditaire vis-à-vis de la Hueffe; toutefois le jour se passa à se canonner réciproquement, et les Français s'étant renforcés le lendemain, il ne fut plus temps de brusquer l'affaire; ce qui occasionna le mouvement que tous les corps des alliés firent par leur droite. Les Français prirent cette marche pour une retraite; ils voulurent harceler les Allemands; mais ils furent partout repoussés et battus. Le prince Ferdinand gagna par ce revirement les hauteurs de Wangelstedt, d'où il prenait la position de la Hueffe à dos. Cela acheva de déconcerter M. de Broglie, qui, ne pouvant plus se maintenir dans cette position, fut forcé d'évacuer Eimbeck, et de se retirer en Hesse. Ce fut par cette belle manœuvre que le prince Ferdinand finit une campagne qui le couvrait de gloire, et des deux parts, les armées entrèrent dans leurs quartiers d'hiver.
Nous avons vu, par les événements de cette campagne, que le<166> prince Ferdinand de Brunswic fut le seul des alliés qui la termina sans faire de pertes. Les Prussiens furent généralement malheureux dans toutes les provinces où ils soutenaient la guerre. Le prince Henri avait perdu toutes les montagnes de la Saxe, et il était si resserré dans le terrain qui lui restait, qu'à peine en pouvait-il tirer la subsistance journalière des troupes. La supériorité des ennemis leur avait donné les moyens d'occuper les postes les plus avantageux, et on avait lieu de tout appréhender pour l'hiver et pour la campagne prochaine. Quelque mauvaise que fût la situation de S. A. R., elle n'approchait cependant pas de celle de l'armée du Roi. La perte de Schweidnitz entraînait pour elle celle des montagnes et de la moitié de la Silésie. Le Roi ne tenait plus qu'aux forteresses de Glogau, Breslau, Brieg, Neisse et Cosel; il était maître du cours de l'Oder et des principautés situées à l'autre rive, que les Russes avaient ravagées au commencement de la campagne, et d'où il n'y avait point de subsistances à tirer; il n'en pouvait point faire arriver de Pologne, à cause de quinze mille Russes, qui, ayant tiré un cordon le long des frontières, en interdisaient le passage. L'armée était obligée de défendre son front contre les Autrichiens, et ses derrières contre les Russes. La communication de Berlin avec Breslau n'était que précaire; mais ce qui achevait surtout de rendre cette situation désespérée, c'était la perte de Colberg. Rien n'empêchait plus les Russes de faire le siége de Stettin à l'ouverture du printemps, ou bien de s'emparer de Berlin et de tout l'électorat de Brandebourg. Il ne restait au Roi que trente mille hommes en Silésie. Le prince Henri n'en avait guère davantage, et les troupes qui avaient servi en Poméranie contre les Russes, étaient si ruinées, qu'à peine le pied en était-il resté. La plupart des provinces étaient envahies ou abîmées; on ne savait plus d'où tirer les recrues, d'où prendre les chevaux et les fournitures, où trouver les subsistances, ni comment faire arriver en sûreté les munitions de guerre à l'armée.
<167>Nous verrons cependant que l'État, qui paraissait perdu, ne le fut point; qu'avec de l'industrie on rétablit l'armée, et qu'un heureux événement répara toutes les pertes qu'on venait de faire : et ceci sert d'exemple combien les apparences sont trompeuses, et que, dans les grandes affaires, il n'y a que la persévérance par laquelle les hommes puissent surmonter les périls et les dangers dont ils sont menacés.
127-a Guillaume-René de l'Homme de Courbière naquit à Groningue en Hollande le 25 février 1733; en 1758, il fut nommé capitaine dans le corps franc de Mayr; la même année, major, et en 1760, chef du corps franc de Colignon. Le 4 juillet 1780, il devint général-major. Sa défense de Graudenz lui valut le grade de feld-maréchal, qu'il reçut le 22 juillet 1807. Il mourut à Graudenz le 23 juillet 1811.
128-a Probablement depuis Bielau jusqu'à Carlau.
130-a Bogislas-Frédéric de Tauentzien, né en 1710 dans la seigneurie de Lauenbourg, devint général-major le 1er septembre 1758, et lieutenant-général le 19 août 1760. Voyez t. III, p. 144 et 147.
138-a François-André de Favrat Jacquier de Bernay, né en Savoie le 14 septembre 1730, servit, au commencement de la guerre de sept ans, dans l'armée impériale. En 1758, il passa au service de la Prusse, et le 13 juin 1759, il devint capitaine dans le bataillon franc de Salenmon. L'exploit ici rapporté lui valut le grade de major. Le 11 février 1763, Favrat entra dans le régiment de Wunsch (depuis, Le Noble). Il était général de l'infanterie lorsqu'il mourut à Glatz, le 5 septembre 1804.
139-a George-Charles-Gottlieb von der Gabelentz, né en Thuringe l'an 1708, devint en 1758 général-major et chef du régiment d'infanterie no 40.
142-a Le lieutenant-général de Platen détruisit à Kobylin, le 13 septembre, un magasin russe peu considérable; le 15, il s'empara auprès du couvent de Gostyn d'un magasin de cinq mille chariots.
144-a Cet officier est nommé Rochas dans l'ouvrage de M. de Cogniaczo qui parut sous le voile de l'anonyme et sous le titre de Geständnisse eines Oestreichischen Veterans. Breslau, 1791, t. IV, p. 103—105.
144-b Charles-Antoine-Léopold de Zastrow, général-major et chef du régiment d'infanterie no 38 de la Stammliste de 1806, était frère cadet du général Bernard-Asinus de Zastrow, mentionné t. IV, p. 129. Après sa captivité, il rentra dans l'armée, et ne reçut sa démission que le 2 septembre 1766. 11 mourut à Cassel en 1779, âgé de soixante-neuf ans, avec le grade de lieutenant-général hessois.
147-a Frédéric-Auguste de Schenckendorff.
148-a Charles-Christophe de Zeuner, né à Stettin en 1703, devint en 1760 général-major et chef du régiment d'infanterie no 1.
148-b Jean-Ernest de Schmettau, général-major en 1757, devint chef du régiment de cuirassiers no 4 le 10 janvier 1758.
148-c Persante.
148-d Cöslin.
149-a Primislas-Ulric de Kleist, chef d'un bataillon de grenadiers, était né en Poméranie en 1711.
150-a Gülzow.
152-a Guillaume-Sébastien de Belling, né dans la province de Prusse le 15 février 1719, était major au régiment des hussards de Werner, lorsqu'en 1758, par l'entremise du prince Henri, il obtint du Roi la permission de former un bataillon de hussards noirs. Il en fut nommé commandeur avec le grade de lieutenant-colonel. Le 1er janvier 1761, le Roi permit que ce corps fût augmenté d'un second bataillon, et le 27 avril 1761, d'un troisième. Le tout forma alors un régiment de dix escadrons de cent cinquante chevaux. M. de Belling fut nommé colonel au mois de mars 1759, et général-major le 4 juillet 1762; il fut promu au grade de lieutenant-général le 10 mai 1776, et au mois d'août 1778, le Roi le décora de l'ordre de l'Aigle noir, en récompense de ses services dans la guerre de Bavière. Il mourut à Stolp le 28 novembre 1779.
152-b Voyez t. IV, p. 94, et de la page 180 à la page 182.
156-a Christophe-Maurice de Röell, colonel et commandeur du régiment des hussards de Malachowski, no 7, se retira du service le 5 décembre 1763, avec le grade de général-major. Il était frère de celui dont il a été fait mention t. III, p. 182.
164-a Frédéric-Auguste duc de Brunswic(-Oels), second fils de Charles duc régnant de Brunswic-Wolfenbüttel et de la princesse Charlotte de Prusse, était né en 1740. Le 29 mai 1761, il fut nommé colonel et chef d'un régiment de Brunswic; au mois d'août de la même année, général-major; enfin, le 11 mars 1762, il devint lieutenant-général et chef de toutes les troupes du duché de Brunswic. Il entra au service de la Prusse en 1763.