<130> comme si ce n'en était pas assez de tant de prévarications, le lord Bute voulut frapper un coup plus hardi et plus décisif, pour établir plus promptement le despotisme auquel il visait : il porta le Roi à mettre arbitrairement des impôts sur les colonies américaines, autant pour augmenter ses revenus que pour donner un exemple qui, par la suite des temps, pût être imité dans la Grande-Bretagne; mais nous verrons que les suites qu'eut cet acte de despotisme, ne répondirent point à son attente.
Les Américains, qu'on n'avait pas daigné corrompre, s'opposèrent ouvertement à cet impôt si contraire à leurs droits, à leurs coutumes, et surtout aux libertés dont ils jouissaient depuis leur établissement. Un gouvernement sage se serait hâté d'apaiser ces troubles naissants; mais le ministère de Londres agit d'après d'autres principes : il suscita de nouvelles brouilleries avec les colonies, à l'occasion des marchands qui avaient le monopole de certaines marchandises des Indes orientales, qu'on voulut les forcer d'acheter. La dureté et la violence de ces procédés acheva de soulever les Américains : ils tinrent un congrès à Philadelphie, où, renonçant au joug anglais, qui désormais leur devenait insupportable, ils se déclarèrent libres et indépendants. Dès lors voilà la Grande-Bretagne engagée dans une guerre ruineuse avec ses propres colonies. Mais si le lord Bute se montra maladroit dans la conduite de cette affaire, il le parut encore davantage dans l'exécution et lorsque la guerre commença. Il crut bonnement que sept mille hommes de troupes réglées était un nombre suffisant pour subjuguer l'Amérique; et comme il n'avait pas l'art de Newton dans les calculs, il s'y trompa toujours. Le général Washington, qu'à Londres on appelait le chef des rebelles, remporta, dès les premières hostilités, quelques avantages sur les royalistes assemblés près de Boston. Le Roi, qui s'attendait à des victoires, fut surpris de la nouvelle de cet échec, et le gouvernement se vit obligé de changer de mesures.
Il était évident que le nombre des troupes en Amérique était trop