<140> l'amitié des deux cours, comme il est facile d'en être convaincu. Cette scène parut d'autant plus ridicule au public, que le roi de Prusse, n'ayant été atteint que d'une goutte ordinaire, en était déjà guéri avant que l'armée autrichienne fût rassemblée. L'Empereur alors fit retourner toutes ses troupes dans leurs quartiers ordinaires, et la cour de Vienne fut bafouée de son imprudente conduite.
L'année d'après, savoir en 1777, l'Empereur fit un voyage incognito en France. Le séjour qu'il fit à Paris et à Versailles, ne contribua pas à resserrer l'union des deux nations. Il avait beaucoup plus de monde et d'aménité que Louis XVI. Cela causa des jalousies au monarque français, qui s'en cachait à peine. Joseph voulut ensuite parcourir les provinces de la France, et peut-être que s'observant moins que dans la capitale du royaume, il laissa échapper des marques trop évidentes du chagrin qu'il éprouvait en voyant de bons établissements de manufactures ou de commerce, ou d'autres choses pareilles, qui étaient des monuments de l'industrie nationale. Quelquefois même, et dans des moments d'humeur, il recevait avec des manières brusques et dédaigneuses les marques d'attention et de respect qu'on s'empressait de lui donner. Ces choses, quelque petites qu'elles fussent, n'échappèrent pas à la sagacité française. L'Empereur s'était annoncé par sa politesse à la cour : mais se contraignant moins dans les provinces, il parut plutôt envieux qu'ami de la nation chez laquelle il se trouvait, et perdit tout le crédit que sa gentillesse lui avait acquis.
D'autre part, ce voyage fit un effet tout différent sur Joseph. Il avait parcouru la Normandie, la Bretagne, la Provence, le Languedoc, la Bourgogne et la Franche-Comté, toutes provinces qui, autrefois gouvernées par des souverains, quoique vassaux, avaient été, par la suite des temps, insensiblement incorporées dans la monarchie française. Ces objets, qui le frappaient vivement, occasionnaient la comparaison, humiliante selon lui, qu'il faisait de cette masse réunie