<141> sous un chef, et du gouvernement germanique, dont à la vérité il était l'empereur, mais dans lequel il se trouvait des rois et des souverains assez puissants pour lui résister, même pour lui faire la guerre. S'il en avait eu les moyens, il aurait voulu réunir incessamment toutes les provinces de l'Empire à ses domaines, pour se rendre souverain de ce vaste corps, et élever, par ce moyen, sa puissance au-dessus de celle de tous les monarques de l'Europe. Ce projet l'occupait sans cesse, et il pensait que la maison d'Autriche ne devait jamais le perdre de vue.
C'était de ces principes ambitieux que partait l'ardeur avec laquelle il convoitait la Bavière; et quoique la mort de l'électeur de Bavière ne parût point devoir être un événement prochain, l'Empereur n'épargna ni corruption ni intrigues pour mettre l'Électeur palatin et ses ministres dans ses intérêts. Et qui croirait que ces choses aussi odieuses que révoltantes se traitaient avec si peu de secret et de retenue à Mannheim, que non seulement l'Allemagne, mais toute l'Europe en était informée? Le roi de Prusse, qui ne perdait jamais de vue la cour de Vienne, fut des premiers à découvrir ce mystère d'iniquité. Cette cour était trop dangereuse et trop puissante pour être négligée, d'autant plus qu'il faut connaître les projets de son ennemi, si l'on veut s'y opposer.
Il résulte des différents faits que nous venons d'exposer, que la paix de l'Europe était menacée de tous les côtés : le feu couvait sous les cendres, un rien pouvait en exciter les flammes. La Russie croyait d'un moment à l'autre d'être attaquée par les Turcs. La guerre n'était point déclarée, mais les hostilités se commettaient de part et d'autre. La dernière guerre avait occasionné des dépenses énormes à l'Impératrice; la Russie en était presque épuisée, surtout si l'on y ajoute les ravages de Pugatscheff le long du Jaïk, dans la province de Kasan, et la ruine des mines qui sont dans ces contrées, et dont le rapport est très-considérable. Cette situation n'était pas des plus