<156> Dès lors cette affaire commença à prendre une forme régulière. La cour de Berlin, chargée des intérêts de l'électeur de Saxe et du prince de Deux-Ponts, trouva des motifs suffisants pour entamer une négociation avec la cour de Vienne, touchant la succession de la Bavière. C'étaient des escarmouches politiques, qui donnaient le temps de s'instruire foncièrement du parti que la France prendrait, et de ce qu'on pensait à Pétersbourg. Sous prétexte d'une ignorance affectée, on demandait à la cour de Vienne des éclaircissements sur les droits qu'elle prétendait avoir sur la Bavière; l'on exposait ses doutes; on alléguait le droit public, et ce que les lois et les coutumes avaient d'opposé à ces prétentions; l'on rappelait les articles formels du traité de Westphalie qui réglaient cette succession; enfin l'on mettait la cour impériale dans des embarras d'autant plus grands, qu'étant surprise par la mort inopinée de l'électeur de Bavière, elle avait manqué de temps pour donner à son usurpation des couleurs apparentes, qui pussent en imposer : aussi ses défenses furent-elles si faibles et si mauvaises, qu'on les réfuta facilement; tant il est difficile à la ruse et à la fourberie de combattre contre l'évidence et la vérité. Dans ce conflit des plus grandes affaires, le Roi se trouvait plus gêné par la position actuelle des puissances prépondérantes que par celle des Autrichiens. La France était liée à l'Autriche par le traité de Versailles : s'était-elle arrangée ou non avec l'Empereur? Ce prince lui avait-il promis des cessions en Flandre pour qu'elle consentît à l'usurpation de la Bavière? Préférerait-elle à la garantie du traité de Westphalie le traité de Versailles? Enfin, dans les démêlés qui s'annonçaient, demeurerait-elle neutre, ou bien assisterait-elle l'Autriche? Il était de la dernière importance d'avoir des notions sûres sur tous ces points, pour ne point se précipiter dans une entreprise sans en prévoir les suites.
Tous ces points furent développés successivement à Versailles; l'on connut que le ministère désapprouvait intérieurement la conduite des Autrichiens; que, par ménagement pour la reine de France, fille de