<168>Ce fut dans ces circonstances, où la guerre était bien décidée, où les Prussiens avaient déjà quelques avantages, où, dans le royaume de Bohême, quatre grandes armées étaient en action les unes contre les autres, qu'arrive à Welsdorf un étranger qui, s'annonçant secrétaire du prince Galizin, ministre de Russie à Vienne, demande à parler au Roi. Ce soi-disant secrétaire était le sieur Thugut, ci-devant ministre de l'Empereur à Constantinople. Il était chargé d'une lettre de l'Impératrice-Reine pour le Roi. Nous nous contentons d'en rapporter la substance : l'Impératrice témoignait son chagrin des brouilleries et des troubles qui venaient de naître, l'appréhension qu'elle avait pour la personne de l'Empereur, le désir de trouver des tempéraments propres à concilier les esprits, en priant le Roi d'entrer en explication sur ces différents sujets. Le sieur Thugut prit, sur cela, la parole, et dit au Roi qu'il serait facile de s'entendre, si l'on y procédait de bonne foi. L'intention des Autrichiens était de corrompre ce prince par des offres si avantageuses, qu'elles le fissent désister de l'appui qu'il prêtait à l'Électeur palatin. Pour cet effet, Thugut l'assura que sa cour non seulement ne s'opposerait point à sa succession éventuelle des margraviats de Baireuth et d'Ansbach, mais qu'encore elle offrait son appui à la Prusse pour le troc de ces margraviats contre des provinces limitrophes du Brandebourg, comme la Lusace ou le Mecklenbourg, si le Roi le jugeait conforme à ses intérêts.
Le Roi lui répondit que sa cour mêlait et confondait ensemble des choses qui n'avaient aucune connexion, savoir, sa succession légitime et indisputable sur ces margraviats avec l'usurpation de la Bavière, et l'intérêt de ses États avec l'intérêt de l'Empire, dont il embrassait la cause; que si l'on voulait s'entendre, il était nécessaire que sa cour se désistât d'une partie de la Bavière, et qu'on prît des mesures pour qu'à l'avenir des actes d'un despotisme aussi violent ne troublassent plus la sécurité du corps germanique, en ébranlant ses plus fermes fondements; et qu'à l'égard de cette succession, il était bien éloigné