<21> d'augmenter leurs dîmes par leur conversion, voyaient par ces nouvelles lois leurs espérances anéanties : ils se lièrent d'intérêt, et prévoyant que le peuple ne s'enflammerait pas pour quelques torts dont ils se plaignaient, ils résolurent d'employer le fanatisme pour exciter ces âmes stupides à la défense de leurs pontifes. Les évêques et les magnats, qu'un mécontentement égal réunissait, répandirent dans le public que les Russes, d'accord avec le roi de Pologne, voulaient abolir la religion catholique, apostolique et romaine; que tout était perdu si l'on ne prenait les armes, et que s'il se trouvait encore des catholiques zélés et fervents, ils devaient tous accourir pour défendre et pour sauver leurs autels. Le peuple, vexé dans différentes contrées où les troupes russes étaient distribuées, avait déjà commencé à s'impatienter, et à différentes reprises il avait manifesté son mécontentement. Cette masse imbécile et faite pour être menée par ceux qui se donnent la peine de la tromper, se laissa facilement séduire par les prêtres; la cause de la religion fut le signal et le mot de ralliement; le fanatisme s'empara de tous les esprits, et les grands profitèrent de l'enthousiasme de leurs serfs, pour secouer un joug qui commençait à leur devenir insupportable.
Déjà s'échappaient des étincelles de ce feu qui couvait encore sous la cendre; peut-être que la prépondérance des cours alliées l'aurait étouffé, si la France, qui, par jalousie, voulait diviser et troubler le Nord à force d'exciter ce feu, n'eût causé l'embrasement général qui s'ensuivit. Le duc de Choiseul était un homme dévoré d'ambition, et qui voulait donner de l'éclat à son ministère; trop prévenu d'un soi-disant testament du cardinal de Richelieu, il avait toujours présente à l'esprit la promesse du cardinal à Louis XIII, qu'il ferait respecter sa monarchie de l'Europe; et lui se proposait de faire respecter Louis XV. Mais les temps et la situation des affaires sous M. de Choiseul étaient en tout dissemblables à celles où se trouvait le cardinal de Richelieu. Premièrement, alors la France n'était point accablée de