<30> qu'on lui ferait. Cette réserve cachait sous des dehors de douceur les prétentions les plus outrées. Avant d'entendre les demandes des Turcs, il voulait préalablement que le sieur Obreskoff fût mis en liberté; il ajouta qu'au reste l'Impératrice verrait avec plaisir que le Roi employât ses bons offices auprès de la Porte pour lui inspirer des sentiments pacifiques, et que, lorsque les choses en seraient là, cette princesse ne demanderait pas mieux que de parvenir, par la médiation de Sa Majesté Prussienne, au rétablissement de la tranquillité publique. D'autre part, les Turcs commençaient à désirer la fin d'une guerre dont les succès n'avaient pas répondu à leur attente; le Roi, qui leur avait fortement déconseillé cette levée de boucliers, avait par cela même acquis leur confiance. Les Turcs acceptèrent donc la médiation prussienne; mais ils avaient quelque répugnance pour celle de la cour de Vienne; on trouva pourtant moyen de la vaincre, à force de réitérer les mêmes représentations, fondées sur le poids décisif qu'une aussi grande puissance que celle de la maison d'Autriche pouvait donner à la négociation, pour la faire réussir.
Les Russes, sur l'esprit desquels les insinuations pacifiques n'avaient guère fait d'impression, continuaient, en attendant, de remporter les plus grands avantages sur les armées ottomanes : leur flotte, après avoir battu celle des Turcs, la détruisit presque totalement, si bien que la plupart des vaisseaux ennemis furent brûlés ou coulés à fond. Un coup aussi imprévu qu'inattendu obligea la Porte à partager son attention : elle ne savait si elle devait employer ses forces à défendre les passages de Sestos et d'Abydos, ou s'il fallait penser préférablement à la Moldavie. Cet état d'incertitude mêlée de terreur favorisa les opérations du maréchal Romanzoff, et contribua certainement à lui faire remporter la victoire à Kiab sur l'armée du grand vizir.b Il ajouta
b Le Roi veut sans doute parler de la victoire décisive que le maréchal Romanzoff remporta sur le grand vizir, au bord du Kaghul, le 1er août 1770, nouveau style.