<31> ainsi, dans une campagne, la conquête de la Valachie à celle de la Moldavie. En ce même temps, le comte Panin, frère du ministre, qui faisait le siége de Bender, emporta cette place après une vigoureuse défense de la part de l'ennemi.
Des succès aussi rapides, et souvent multipliés, éblouissaient la cour de Pétersbourg, et la rendaient comme ivre de sa fortune. Les hommes sont partout les mêmes. S'ils sont malheureux, ils sont humbles; sont-ils trop heureux, la prospérité les enorgueillit. Mais si l'on pensait à Pétersbourg à écraser la puissance ottomane, à Vienne les ombrages et les jalousies augmentaient à proportion des avantages des Russes; les Autrichiens, comparant la dernière guerre malheureuse qu'ils avaient faite contre les Turcs, aux succès brillants des Russes, ne pouvaient pas dissimuler à quel point leur amour-propre en était humilié; outre cela, ils craignaient qu'une aussi grande puissance ne devînt leur voisine, si elle conservait, comme elle l'avait faite, la conquête de la Moldavie et de la Valachie. Pour obvier à ces appréhensions, ou plutôt pour s'opposer ouvertement à la Russie, les Autrichiens venaient de renforcer les troupes qu'ils avaient en Hongrie; ils y formèrent des magasins, et préparèrent toutes choses pour se mettre en état d'agir, si les circonstances l'exigeaient. Ils ne s'en cachaient point, et disaient à qui voulait l'entendre, que si la guerre ne finissait pas promptement, l'Impératrice-Reine serait obligée d'y prendre part.
La seconde entrevue du Roi et de l'Empereur fut au camp de Neustadt en Moravie. On ne rencontrait aucun Autrichien qui ne laissât échapper quelque trait d'animosité contre la nation russe. L'Empereur parut au Roi tel qu'il en avait porté son jugement la première fois qu'il le vit à Neisse. Le prince Kaunitz, qui se trouvait aussi à Neustadt, eut de longues conférences avec Sa Majesté Prussienne. Cet homme, avec un sens droit, avait l'esprit rempli de travers : l'interrompre quand il parlait, c'était l'outrager; au lieu de converser, il