<32> dissertait, aimant mieux s'entendre discourir lui-même que d'écouter ce que les autres lui répondaient. Il était arrivé à l'Impératrice-Reine de demander à ce ministre quelque explication sur une matière qu'il épluchait gravement; le prince Kaunitz, au lieu de lui répondre, lui tira sa révérence, et sortit brusquement de la chambre du conseil. Dans les conférences qu'il eut avec le Roi, il étala avec emphase le système de sa cour, et le présenta comme un chef-d'œuvre de politique, dont il était l'auteur; il insista ensuite sur la nécessité de s'opposer aux vues ambitieuses de la Russie, et déclara que jamais l'Impératrice-Reine ne souffrirait que les armées russes passassent le Danube, ni que la cour de Pétersbourg fît des acquisitions qui la rendissent voisine de la Hongrie. Il ajouta que l'union de la Prusse et de l'Autriche était l'unique barrière que l'on pût opposer à ce torrent débordé qui menaçait d'inonder toute l'Europe.
Quand il eut achevé de parler, le Roi répondit qu'il tâcherait toujours de cultiver l'amitié de Leurs Majestés Impériales, dont il faisait un cas infini; mais que, d'autre part, il priait le prince Kaunitz de considérer les devoirs qu'imposait au Roi l'alliance qu'il avait contractée avec la Russie, à laquelle il ne pouvait en aucune façon déroger, et que ces engagements étaient comme autant d'entraves qui l'empêchaient d'entrer dans les mesures que le prince Kaunitz venait de lui proposer. Le Roi ajouta que son unique désir était d'empêcher que la guerre entre les Russes et les Turcs ne devînt générale; que, pour cet effet, il s'offrait de bon cœur à réconcilier les deux cours impériales; qu'il était même temps d'y penser, pour empêcher que des mécontentements réciproques ne dégénérassent enfin en brouilleries ouvertes. Cependant, pour maintenir la cour de Vienne dans les dispositions favorables qu'elle feignait d'annoncer, le Roi jugea à propos de réitérer les mêmes assurances qu'il avait données à l'Empereur lorsque ce prince vint à Neisse; de plus, on promit de terminer à l'amiable les petites chicanes qui ont souvent lieu entre les employés