<45> embrouiller de plus en plus les affaires, et que, dans des circonstances aussi critiques que les présentes, il était de la dignité d'une aussi vaste monarchie que celle de la Russie d'avoir moins d'égard à ses intérêts qu'au bien public. On proposa en même temps que pour indemniser la Prusse de tous les dangers qu'elle pouvait s'attirer par une nouvelle guerre, dont on ne pouvait prévoir quelles seraient les suites, la Russie voulût bien ajouter la ville de Danzig, située au milieu de la Pomérellie, au partage de la Pologne dont le Roi devait se mettre en possession.
Ces représentations, comme il arrive d'ordinaire, ne firent pas tout l'effet qu'on en devait attendre. Cependant, à force de réfléchir sur les raisons qu'on lui avait exposées si clairement, l'impératrice de Russie voulut bien restreindre les propositions de paix qui se trouvaient incompatibles aux intérêts d'autres puissances : elle s'engagea donc en conséquence à restituer aux Turcs, après la paix, toutes les conquêtes qu'elle venait de faire entre le Dniester et le Danube. La cour de Berlin communiqua promptement cette heureuse nouvelle à celle de Vienne; on vit pour la première fois paraître le prince Kaunitz avec un visage serein; son astuce et son orgueil s'humanisèrent, les esprits se calmèrent, et l'inquiétude et la jalousie que les grands succès des Russes avaient données à la cour impériale, disparurent, du moment qu'elle n'eut plus à craindre d'avoir cette puissance pour voisine de ses États.
La Porte fut aussitôt informée des bonnes dispositions où se trouvait la cour de Pétersbourg. Les Turcs, dégoûtés de la guerre à force de malheurs qu'ils avaient essuyés, inclinaient fortement à la paix. La dernière campagne des Russes n'était qu'une suite de triomphes : ils avaient conquis la Crimée, et une bataille décisive qu'avait gagnée le maréchal de Romanzoff sur la fin de l'année, avait mis le comble à la prospérité de leurs armes. Dans des circonstances aussi désespérées, la nouvelle arriva à Constantinople que les plus grands obstacles