<48> joindre aux deux puissances contractantes. Trois partis se formaient dans cette cour, dont chacun pensait différemment : l'Empereur aurait voulu regagner en Hongrie les provinces que sa maison avait perdues par la paix de Belgrad. L'Impératrice sa mère, qui n'avait plus cette énergie et cette fermeté dont elle avait tant donné de marques dans sa jeunesse, et qui commençait à s'adonner à une dévotion mystique, se reprochait le sang que ses guerres passées avaient fait répandre; elle détestait la guerre, et voulait conserver la paix à quelque prix que ce fût. Le prince Kaunitz, doué d'un jugement droit, qui voulait accorder les intérêts de la monarchie avec le penchant de sa souveraine, se trouvait par conséquent dans l'embarras d'opter entre la guerre ou le partage de la Pologne, et craignait, de plus, que s'il prenait ce dernier parti, l'union de la maison de Bourbon avec celle d'Autriche, qu'il regardait comme son chef-d'œuvre, n'en fût rompue. D'un côté, la cavalerie prussienne remontée si promptement lui donnait à connaître que le Roi avait pris un parti décisif; d'un autre, il voyait que ce prince ne désirait pas mieux qu'une pacification générale, et qu'il y travaillait avec ardeur.
Enfin, le Roi dit à l'envoyé d'Autriche, dans une conférence qu'il eut avec lui, que Sa Majesté félicitait l'Impératrice-Reine de ce que, dans ce moment, elle avait le sort de l'Europe en ses mains, parce que réellement la paix ou la guerre dépendait, dans ces circonstances, du parti qu'elle allait prendre. Le Roi ajouta qu'il avait une si grande confiance dans la sagesse reconnue de cette grande princesse, qu'il ne doutait point qu'elle ne préférât la tranquillité générale de l'Europe aux troubles qui pouvaient survenir, et dont il était impossible de prévoir quelles en pourraient être les suites. Cet entretien, dont van Swieten rendit compte à sa cour, produisit tout l'effet qu'on en pouvait espérer : le prince Kaunitz fut convaincu qu'il fallait renoncer à l'alliance des Turcs, comme à tous les projets qui étaient fondés sur ce préalable; il comprit également qu'il ne pouvait plus empêcher le