<55> résisté avec beaucoup de fermeté aux conditions dures et fâcheuses de la paix qu'on voulait leur faire accepter, en même temps que, du côté de la Suède, le Roi, concevant le danger dont il était menacé de la part de la Russie, se proposait de mettre d'avance le Danemark hors de jeu, pour n'avoir qu'un ennemi à combattre à la fois.
Ceci nous engage à reprendre les choses de plus haut, pour exposer avec précision les raisons qu'avait le roi de Suède d'agir ainsi. Le roi de Danemark était monté trop jeune sur le trône pour que son expérience pût être formée; il était entouré de vieux ministres rompus dans les intrigues de cour, qui, plus intéressés que citoyens, n'ambitionnaient que de gouverner leur maître; et comme ces rivaux luttaient pour se supplanter mutuellement, cela donnait lieu à de fréquentes disgrâces; chaque jour produisait de nouveaux ministres et de nouveaux projets de gouvernement. Le sieur de Saldern, qui se trouvait alors à cette cour en qualité de ministre de Russie, avait, comme nous l'avons dit, moyenné l'échange du duché de Gottorp contre ceux d'Oldenbourg et de Delmenhorst; ce ministre d'une cour étrangère, mais trop puissant à Copenhague, persuada au Roi de voyager et de faire un tour dans les pays étrangers, dans l'intention de le détourner de visiter le royaume de Norwége, où l'on craignait qu'il ne voulût introduire des nouveautés préjudiciables à ses intérêts. Peu après son mariage avec la princesse Mathilde, sœur du roi d'Angleterre, il partit de Copenhague, se rendit à Londres, et de là à Paris. Ses courtisans et ceux qui l'environnaient, animaient en lui le goût de la volupté et de la débauche, auquel il inclinait naturellement. De retour de ses voyages, le Roi en rapporta une maladie honteuse, de laquelle il n'avait pris aucun soin; la Reine son épouse, sous prétexte du rétablissement de sa santé, s'empara de son esprit, et lui proposa un médecin nommé Struensée, comme l'homme le plus capable de le guérir. La familiarité que ce médecin eut à la cour, lui fit gagner imperceptiblement plus d'ascendant sur l'esprit