<75> pouvait voir la fin. Il devait sans doute travailler au rétablissement des finances, mais par quels moyens? En modérant les dépenses? il s'attirait la haine de tous les grands du royaume; en trouvant de nouveaux fonds? tous les moyens étaient épuisés. Il ne restait d'expédient sage que celui de faire une banqueroute raisonnée, pour prévenir une banqueroute totale, et il craignait que si cela arrivait de son temps, ce ne fût une tache pour son administration. La seule chose qui signala sa rentrée dans le ministère, fut qu'il rétablit l'ancien parlement, et qu'il contribua à l'exil de M. de Maupeou, de quoi il fut loué par les gens de robe, et désapprouvé par les politiques.
La France craignait alors que les brouilleries entre l'Espagne et le Portugal, au sujet du fort Saint-Sacrement, en Amérique, n'occasionnassent une rupture entre ces deux puissances. L'Angleterre ne le craignait pas moins, à cause qu'elle-même avait envoyé des troupes en Amérique, à Boston et dans d'autres colonies, pour apaiser le mécontentement que ces provinces marquaient du gouvernement de la mère-patrie. Si la guerre s'allumait entre le Portugal et l'Espagne, le roi d'Angleterre était obligé de secourir celui de Portugal; ce qui ne pouvait manquer de le commettre avec les Espagnols, qui, pour se venger, auraient assisté les colonies anglaises, et auraient par conséquent mis la nation en danger de perdre les possessions importantes de l'Amérique. Pour se tirer de ce pas embarrassant, la cour de Londres gagna l'empereur de Maroc, et le disposa tout de suite à déclarer la guerre à l'Espagne. En fournissant une occupation aussi sérieuse à la cour de Madrid, les Anglais se flattèrent de différer les hostilités entre l'Espagne et le Portugal, et de gagner également le temps de soumettre leurs propres colonies. Tant d'intérêts importants qui occupaient les Anglais, firent que, pour lors, ils perdirent l'Europe de vue.
Ces conjonctures favorisaient les intérêts du Roi : pendant que les