<77>mée, nous croyons pourtant devoir en rapporter le sommaire. L'Impératrice-Reine s'engage, voici les termes, d'obliger la Russie, soit par la négociation, soit par les armes, à restituer toutes les conquêtes qu'elle a faites sur la Porte; à raison de quoi le Grand Seigneur lui payera un subside de dix millions de piastres, pour l'indemniser des frais de la guerre; de plus, il lui cédera une partie de la Valachie et quelques extensions sur le territoire de la Moldavie. Quoique ce traité n'eût pas été ratifié, le prince Kaunitz fut assez habile, ou, pour mieux dire, assez fourbe pour faire payer d'avance à sa cour une somme considérable; quoiqu'il signât, depuis, ce traité de partage des trois couronnes, il n'en suivit pas moins son plan. Il ne voyait que l'intérêt de sa cour; peu délicat sur les moyens qu'il employait, il aurait trompé à la fois les Turcs et les Russes : aussi s'aperçut-on que le ministre impérial, le sieur de Thugut, qui assista aux différents congrès qui se tinrent entre les puissances belligérantes, traversait autant qu'il le pouvait les intérêts de la Russie, mais non assez adroitement pour que les cours de Pétersbourg et de Berlin ne s'en aperçussent point, et ne découvrissent pas ses infâmes manœuvres.
Aussitôt que la paix entre les Russes et les Turcs fut signée, les Autrichiens, comme s'ils avaient rempli leur traité avec la Porte, se mirent sans façon en possession des parties de la Moldavie et de la Valachie qu'ils s'étaient stipulées, bien assurés que, dans ce moment, la Porte ne trouverait aucune puissance dont elle pût réclamer le secours contre un procédé aussi odieux. Cette conduite de la cour de Vienne, marquée par tant de duplicité et de mauvaise foi, acheva de perdre le peu de confiance qu'on avait encore en elle. L'impératrice Catherine et le roi de Prusse en furent indignés; l'on s'aperçut bien à Pétersbourg que les Russes n'avaient gagné tant de batailles, n'avaient fait tant de conquêtes, que pour l'avantage de la cour de Vienne, qui n'avait obligé les Russes à rendre aux Turcs la Moldavie et la Valachie que pour en saisir ensuite elle-même une partie; et que ces usurpa-