<117> abondance de termes métaphoriques si nécessaires pour fournir des tours nouveaux et pour donner des grâces aux langues polies. Afin de déterminer la route que nous devons prendre pour arriver à ce but, examinons le chemin que nos voisins ont pris pour y parvenir.
En Italie, du temps de Charlemagne, on parlait encore un jargon barbare : c'était un mélange de mots pris des Huns et des Lombards, entremêlés de phrases latines, mais qui auraient été inintelligibles aux oreilles de Cicéron ou de Virgile. Ce dialecte demeura tel qu'il était, durant les siècles de barbarie qui se succédèrent. Longtemps après parut le Dante; ses vers charmèrent ses lecteurs, et les Italiens commencèrent à croire que leur langue pourrait succéder à celle des vainqueurs de l'univers. Ensuite, peu avant et durant la renaissance des lettres, fleurirent Pétrarque, l'Arioste, Sannazar et le cardinal Bembo. C'est principalement le génie de ces hommes célèbres qui a fixé la langue italienne. L'on vit se former en même temps l'Académie de la Crusca, qui veille à la conservation comme à la pureté du style.
Je passe maintenant en France. Je trouve qu'à la cour de François Ier on parlait un jargon aussi discordant pour le moins que notre allemand l'est encore; et, n'en déplaise aux admirateurs de Marot, de Rabelais, de Montaigne, leurs écrits grossiers et dépourvus de grâces ne m'ont causé que de l'ennui et du dégoût. Après eux, vers la fin du règne de Henri IV, parut Malherbe. C'est le premier poëte que la France ait eu, ou, pour mieux dire, en qualité de versificateur il est moins défectueux que ses devanciers. Pour marque qu'il n'avait pas poussé son art à la perfection, je n'ai qu'à vous rappeler ces vers que vous connaissez d'une de ses odes :
Prends ta foudre, Louis, et va, comme un lion,
Donner le dernier coup à la dernière tête
De la rébellion.
A-t-on jamais vu un lion armé d'un foudre? La fable met la foudre entre les mains du maître des dieux, ou elle en arme l'aigle qui l'ac-