<118>compagne; jamais lion n'a eu cet attribut. Mais quittons Malherbe avec ses métaphores impropres, et venons aux Corneille, aux Racine, aux Despréaux, aux Bossuet, aux Fléchier, aux Pascal, aux Fénelon, aux Boursault, aux Vaugelas, les véritables pères de la langue française. Ce sont eux qui ont formé le style, fixé l'usage des mots, rendu les phrases harmonieuses, et qui ont donné de la force et de l'énergie au vieux jargon barbare et discordant de leurs ancêtres. On dévora les ouvrages de ces beaux génies. Ce qui plaît se retient. Ceux qui avaient du talent pour les lettres, les imitèrent. Le style et le goût de ces grands hommes se communiqua, depuis, à toute la nation. Mais souffrez que je vous arrête un moment pour vous faire remarquer qu'en Grèce, en Italie, comme en France, les poëtes ont été les premiers qui, rendant leur langue flexible et harmonieuse, l'ont ainsi préparée à devenir plus souple et plus maniable sous la plume des auteurs qui, après eux, écrivirent en prose.
Si je me transporte maintenant en Angleterre, j'y trouve un tableau semblable à celui que je vous ai fait de l'Italie et de la France. L'Angleterre avait été subjuguée par les Romains, par les Saxons, par les Danois, et enfin par Guillaume le Conquérant, duc de Normandie. De cette confusion des langues de leurs vainqueurs, en y joignant le jargon qu'on parle encore dans la principauté de Galles, se forma l'anglais. Je n'ai pas besoin de vous avertir que, dans ces temps de barbarie, cette langue était au moins aussi grossière que celles dont je viens de vous parler. La renaissance des lettres opéra le même effet sur toutes les nations : l'Europe était lasse de l'ignorance crasse dans laquelle elle avait croupi durant tant de siècles; elle voulut s'éclairer. L'Angleterre, toujours jalouse de la France, aspirait à produire elle-même ses auteurs; et comme pour écrire il faut avoir une langue, elle commença à perfectionner la sienne. Pour aller plus vite, elle s'appropria, du latin, du français, de l'italien, tous les termes qu'elle jugea lui être nécessaires; elle eut des écrivains célèbres; mais ils ne