<31> matérialisme, qu'il s'était sans doute proposé de rédiger. Cet ouvrage, qui devait déplaire à des gens qui, par état, sont ennemis déclarés des progrès de la raison humaine, révolta tous les prêtres de Leyde contre l'auteur : calvinistes, catholiques et luthériens oublièrent en ce moment que la consubstantiation, le libre arbitre, la messe des morts et l'infaillibilité du pape les divisaient; ils se réunirent tous pour persécuter un philosophe qui avait, de plus, le malheur d'être français, dans un temps où cette monarchie faisait une guerre heureuse à Leurs Hautes Puissances.
Le titre de philosophe et de malheureux fut suffisant pour procurer à M. La Mettrie un asile en Prusse, avec une pension du Roi. Il se rendit à Berlin au mois de février de l'année 1748, où il fut reçu membre de l'Académie royale des sciences. La médecine Je revendiqua à la métaphysique, et il fit un traité de la Dyssenterie, et un autre de l'Asthme, les meilleurs qui aient été écrits sur ces cruelles maladies. Il ébaucha différents ouvrages sur des matières de philosophie abstraite qu'il s'était proposé d'examiner; et par une suite des fatalités qu'il avait éprouvées, ces ouvrages lui furent dérobés; mais il en demanda la suppression aussitôt qu'ils parurent.
M. La Mettrie mourut dans la maison de mylord Tyrconnel, ministre plénipotentiaire de France, auquel il avait rendu la vie. Il semble que la maladie, connaissant à qui elle avait affaire, ait eu l'adresse de l'attaquer d'abord au cerveau, pour le terrasser plus sûrement : il prit une fièvre chaude avec un délire violent; le malade fut obligé d'avoir recours à la science de ses collègues, et il n'y trouva pas la ressource qu'il avait si souvent, et pour lui et pour le public, trouvée dans la sienne propre.
Il mourut le 11 de novembre 1751, âgé de quarante-trois ans. Il avait épousé Louise-Charlotte Dréauno, dont il ne laissa qu'une fille âgée de cinq ans et quelques mois.