<73> vils et méprisables qui, faisant profession de captiver leur raison, font ouvertement divorce avec le bon sens.
Puisqu'il s'agit ici de justifier M. de Voltaire, nous ne devons dissimuler aucune des accusations dont on le chargea. Les cagots lui imputèrent donc encore d'avoir exposé les sentiments d'Épicure, de Hobbes, de Woolston, du lord Bolingbroke et d'autres philosophes. Mais n'est-il pas clair que, loin de fortifier ces opinions par ce que tout autre y aurait pu ajouter, il se contente d'être le rapporteur d'un procès dont il abandonne la décision à ses lecteurs? Et de plus, si la religion a pour fondement la vérité, qu'a-t-elle à appréhender de tout ce que le mensonge peut inventer contre elle? M. de Voltaire en était si convaincu, qu'il ne croyait pas que des doutes de quelques philosophes puissent l'emporter sur les inspirations divines. Mais allons plus loin, comparons la morale répandue dans ses ouvrages à celle de ses persécuteurs. Les hommes doivent s'aimer comme des frères, dit-il; leur devoir est de s'aider mutuellement à supporter le fardeau de la vie, où la somme des maux l'emporte sur celle des biens; leurs opinions sont aussi différentes que leurs physionomies; loin de se persécuter parce qu'ils ne pensent pas de même, ils doivent se borner à rectifier le jugement de ceux qui sont dans l'erreur, par le raisonnement, sans substituer aux arguments le fer et les flammes; en un mot, ils doivent se conduire envers leur prochain comme ils voudraient qu'il en usât envers eux. Est-ce M. de Voltaire qui parle, ou est-ce l'apôtre saint Jean, ou est-ce le langage de l'Évangile? Opposons à ceci la morale pratique de l'hypocrisie ou du faux zèle; elle s'exprime ainsi : Exterminons ceux qui ne pensent pas ce que nous voulons qu'ils pensent, accablons ceux qui dévoilent notre ambition et nos vices, que Dieu soit le bouclier de nos iniquités; que les hommes se déchirent, que le sang coule, qu'importe, pourvu que notre autorité s'accroisse? Rendons Dieu implacable et cruel, pour que la recette des douanes du purgatoire et du paradis augmente nos revenus. Voilà