<95> cependant, parce qu'il jugea cette entreprise au-dessus de ses forces, il ne l'assiégea point, et se contenta d'une grosse amende qu'il lui fit payer.
Revenons à présent à notre grand objet. Le siége de Poltawa une fois commencé, et le Czar s'approchant avec son armée de ses environs, Charles était encore maître de choisir l'endroit le plus convenable pour combattre son rival de gloire; il pouvait l'attendre aux bords de la Varnitza, lui disputer le passage de cette rivière, ou l'attaquer immédiatement après. Les circonstances où se trouvaient les Suédois, demandaient une prompte résolution : ou il fallait tomber tout de suite sur les Russes dès leur arrivée, ou il fallait renoncer au dessein de les combattre. Ce fut une faute irréparable de laisser au Czar le choix du poste, et de lui donner le temps de le bien préparer : il avait déjà l'avantage du nombre, c'était beaucoup; on lui abandonna celui du terrain et de l'art, c'en était trop.
Peu de jours avant l'arrivée du Czar, le roi de Suède avait été blessé au siége de Poltawa; ainsi ces reproches ne tombent que sur ses généraux. Il semble cependant que, dès qu'il eut résolu de livrer bataille, il devait abandonner ses tranchées, pour être en état de faire de plus grands efforts contre ses ennemis, certain que si la bataille était gagnée, Poltawa tombait de soi-même, et que s'il la perdait, il fallait également en lever le siége. Tant de fautes accumulées de la part des Suédois ne présageaient rien d'heureux pour le combat auquel tout le monde se préparait. Il semble que la fortune arrangea tout d'avance pour préparer le malheur qui devait arriver aux Suédois : la blessure du Roi, qui l'empêchait d'agir comme à son ordinaire, la négligence des généraux suédois, dont la disposition vicieuse marque qu'ils n'avaient point reconnu la position des Russes, ou qu'ils s'en étaient fait une fausse idée, étaient des préalables qui amenaient la catastrophe. Ce n'était pas le cas où la