<109>Il est certain cependant qu'aucun pays ne fourmille plus de mendiants que ceux des prêtres; c'est là qu'on peut voir un tableau touchant de toutes les misères humaines, non pas de ces pauvres que la libéralité et les aumônes des souverains y attirent, de ces insectes qui s'attachent aux riches et qui rampent à la suite de l'opulence, mais de ces gueux faméliques que la charité de leur souverain prive du nécessaire, pour prévenir la corruption et les abus que le peuple a coutume de faire de la superfluité.
Ce sont sans doute les lois de Sparte, où l'argent était défendu, sur lesquelles se fondent les principes de la plupart de ces gouvernements ecclésiastiques, à la différence près que les prélats se réservent l'usage des biens dont les sujets sont privés. Heureux, disent-ils, sont les pauvres, car ils hériteront le royaume des cieux! Et comme ils veulent que tout le monde se sauve, ils ont soin de rendre tout le monde indigent.
Rien ne devrait être plus édifiant que l'histoire des chefs de l'Église et des vicaires de Jésus-Christ; on se persuade d'y trouver des exemples de mœurs irréprochables et saintes; cependant c'est tout le contraire : ce ne sont que des obscénités, des abominations et des sources de scandale; et l'on ne saurait lire la vie des papes sans détester plus d'une fois leurs cruautés et leurs perfidies.
On y voit en gros leur ambition appliquée à augmenter leur puissance temporelle et spirituelle, leur avarice occupée à faire passer la substance des peuples dans leurs familles, pour enrichir leurs neveux, leurs maîtresses ou leurs bâtards.
Ceux qui réfléchissent peu trouvent singulier que les peuples souffrent avec tant de docilité et de patience l'oppression de cette espèce de souverains, qu'ils n'ouvrent point les yeux sur les vices et sur les excès des ecclésiastiques, et qu'ils endurent d'un front tondu ce qu'ils ne souffriraient point d'un front couronné de lauriers. Ce phénomène paraît moins étrange à ceux qui connaissent le pouvoir