<110> de la superstition sur les idiots, et du fanatisme sur l'esprit humain; ils savent que la religion est une ancienne machine qui ne s'usera jamais, dont on s'est servi de tout temps pour s'assurer de la fidélité des peuples et pour mettre un frein à l'indocilité de la raison humaine; ils savent que l'erreur peut aveugler les hommes les plus pénétrants, et qu'il n'y a rien de plus triomphant que la politique de ceux qui mettent le ciel et l'enfer, Dieu et les damnés en œuvre pour parvenir à leurs desseins. Tant il est vrai que la religion même, cette source la plus pure de tous nos biens, devient souvent, par un trop déplorable abus, l'origine et le principe de nos maux.
L'auteur remarque très-judicieusement ce qui contribua le plus à l'élévation du saint-siége. Il en attribue la raison principale à l'habile conduite d'Alexandre VI, de ce pontife qui poussait sa cruauté et son ambition à un excès énorme, et qui ne connaissait de justice que son intérêt. Or, s'il est vrai qu'un des plus méchants hommes qui ait jamais porté la tiare soit celui qui ait le plus affermi la puissance papale, que doit-on penser des héros de Machiavel?
L'éloge de Léon X fait la conclusion de ce chapitre, dont l'ambition, les débauches et l'irréligion sont assez connues. Machiavel ne le loue pas précisément par ces qualités-là, mais il lui fait sa cour : de tels princes méritaient de tels courtisans. S'il ne louait Léon X que comme un prince magnifique et restaurateur des arts, il aurait raison; mais il le loue comme politique.