<142> la puissance que les parlements de France avaient autrefois. Il me semble, à moi, que, s'il y a un gouvernement dont on pourrait de nos jours proposer pour modèle la sagesse, c'est celui d'Angleterre : là, le parlement est l'arbitre du peuple et du Roi, et le Roi a tout le pouvoir de faire du bien, mais il n'en a point pour faire le mal.
Machiavel entre ensuite dans une grande discussion sur la vie des empereurs romains, depuis Marc-Aurèle jusqu'aux deux Gordiens. Il attribue la cause de ces changements fréquents à la vénalité de l'empire; mais ce n'en est pas la seule cause. Caligula, Claude, Néron, Galba, Othon, Vitellius, firent une fin funeste, sans avoir acheté Rome comme Didius Julianus. La vénalité fut enfin une raison de plus pour assassiner les empereurs; mais le fond véritable de ces révolutions était la forme du gouvernement. Les gardes prétoriennes devinrent ce qu'ont été, depuis, les mameluks en Égypte, les janissaires en Turquie, les strélitz en Moscovie. Constantin cassa les gardes prétoriennes habilement; mais enfin les malheurs de l'empire exposèrent encore ses maîtres à l'assassinat et à l'empoisonnement. Je remarquerai seulement que les mauvais empereurs périrent de morts violentes; mais un Théodose mourut dans son lit, et Justinien vécut heureux quatre-vingt-quatre ans. Voilà sur quoi j'insiste. Il n'y a presque point de méchants princes heureux, et Auguste ne fut paisible que quand il devint vertueux. Le tyran Commode, successeur du divin Marc-Aurèle, fut mis à mort malgré le respect qu'on avait pour son père. Caracalla ne put se soutenir, à cause de sa cruauté. Alexandre Sévère fut tué par la trahison de ce Maximin de Thrace qui passe pour un géant, et Maximin, ayant soulevé tout le monde par ses barbaries, fut assassiné à son tour. Machiavel prétend que celui-là périt par le mépris qu'on faisait de sa basse naissance; Machiavel a grand tort : un homme élevé à l'empire par son courage n'a plus de parents; on songe à son pouvoir, et non à son extraction. Pupien était fils d'un maréchal de village; Probus, d'un jardinier;