<174> imprudence fut punie par la défaite totale des Français et des Bavarois, et par la perte de la Bavière et de tout ce pays qui est entre le Haut-Palatinat et le Rhin.
On ne parle point, d'ordinaire, des téméraires qui ont péri; on ne parle que de ceux qui ont été secondés de la fortune. Il en est comme des rêves et des prophéties : entre mille qui ont été fausses et que l'on oublie, on ne se ressouvient que du très-petit nombre qui a été accompli. Le monde devrait juger des événements par leurs causes, et non pas des causes par l'événement
Je conclus donc qu'un peuple risque beaucoup avec un prince hardi; que c'est un danger continuel qui le menace; et que le souverain circonspect, s'il n'est pas propre pour les grands exploits, semble plus né pour le gouvernement. L'un hasarde, mais l'autre conserve.
Pour que les uns et les autres soient grands hommes, il faut qu'ils viennent à propos au monde, sans quoi leurs talents leur sont plus pernicieux que profitables. Tout homme raisonnable, et principalement ceux que le ciel a destinés pour gouverner les autres, devraient se faire un plan de conduite aussi bien raisonné et lié qu'une démonstration géométrique. En suivant en tout un pareil système, ce serait le moyen d'agir conséquemment, et de ne jamais s'écarter de son but; on pourrait ramener par là toutes les conjonctures et tous les événements à l'acheminement de ses desseins; tout concourrait pour exécuter les projets que l'on aurait médités.
Mais qui sont ces princes desquels nous prétendons tant de rares talents? Ce ne seront que des hommes, et il sera vrai de dire que, selon leur nature, il leur est impossible de satisfaire à tant de devoirs; on trouverait plutôt le phénix des poëtes et les unités des métaphysiciens que l'homme de Platon. Il est juste que les peuples se contentent des efforts que font les souverains pour parvenir à la perfection. Les plus accomplis d'entre eux seront ceux qui s'éloigneront plus que les autres du prince de Machiavel. Il est juste que l'on sup-