<202> libertins et très-enclins à s'ennuyer de tout ce qui ne leur paraît pas nouveau; leur amour pour le changement s'est manifesté jusque dans les choses les plus graves. Il paraît que ces cardinaux haïs et estimés des Français, qui successivement ont gouverné cet empire, ont profité des maximes de Machiavel pour rabaisser les grands, et de la connaissance du génie de la nation pour détourner ces orages fréquents dont la légèreté des sujets menaçait sans cesse le trône des souverains.
La politique du cardinal de Richelieu n'avait pour but que d'abaisser les grands pour élever la puissance du Roi et pour la faire servir de base au despotisme; il y réussit si bien qu'en ce moment il ne reste plus de vestiges en France de la puissance des seigneurs et des nobles, et de ce pouvoir dont les rois prétendaient que les grands abusaient quelquefois.
Le cardinal Mazarin marcha sur les traces de Richelieu; il essuya beaucoup d'oppositions, mais il y réussit, et dépouilla, de plus, le parlement de ses anciennes prérogatives, de sorte que ce corps respectable n'a plus, de nos jours, que l'ombre de son ancienne autorité; c'est un fantôme à qui il arrive encore quelquefois de s'imaginer qu'il pourrait bien être un corps, mais qu'on fait ordinairement repentir de ses erreurs.
La même politique qui porta ces deux grands hommes à l'établissement d'un despotisme absolu en France leur enseigna l'adresse d'amuser la légèreté et l'inconstance de la nation pour la rendre moins dangereuse; mille occupations frivoles, la bagatelle et le plaisir donnèrent le change au génie des Français, de sorte que ces mêmes hommes qui auraient révolté sous César, qui auraient appelé les étrangers à leur secours du temps des Valois, qui se seraient ligués contre Henri IV, qui auraient cabalé sous la minorité, ces mêmes Français, dis-je, ne sont occupés de nos jours qu'à suivre le torrent de la mode, à changer très-soigneusement de goûts, à mépriser aujourd'hui ce qu'ils ont admiré hier, à mettre l'inconstance et la légèreté en tout