<224> par la perfidie de ses proscriptions, mais qui, par les conseils de Mécène et d'Agrippa, fit succéder la douceur à tant de cruautés, et dont on dit qu'il aurait dû, ou ne jamais naître, ou ne jamais mourir. Peut-être que Machiavel a eu quelque regret de ce qu'Auguste avait mieux fini qu'il n'avait commencé, et que par là même il l'a trouvé indigne d'être placé parmi ses grands hommes.
Mais quelle abominable politique n'est pas celle de cet auteur! L'intérêt d'un seul particulier bouleversera le monde, et son ambition aura le choix des méchancetés, et le déterminera au bien comme aux crimes; affreuse prudence des monstres qui ne connaissent qu'eux et n'aiment qu'eux dans l'univers, et qui enfreignent tous les devoirs de la justice et de l'humanité pour suivre le torrent furieux de leurs caprices et de leurs débordements!
Ce n'est pas tout que de confondre l'affreuse morale de Machiavel; il faut encore le convaincre de fausseté et de mauvaise foi.
Il est premièrement faux, comme le rapporte Machiavel, qu'Agathocles ait joui en paix du fruit de ses crimes : il a été presque toujours en guerre contre les Carthaginois; il fut même obligé d'abandonner son armée en Afrique, qui massacra ses enfants après son départ; et il mourut lui-même d'un breuvage empoisonné que son petit-fils lui fit prendre. Oliverotto de Fermo périt par la perfidie de Borgia, digne salaire de ses crimes; et comme ce fut une année après son élévation, sa chute paraît si accélérée, qu'elle semble avoir prévenu par sa punition ce que lui préparait la haine publique.
L'exemple d'Oliverotto de Fermo ne devait donc point être cité par l'auteur, puisqu'il ne prouve rien. Machiavel voudrait que le crime fût heureux, et il se flatte par là d'avoir quelque bonne raison de l'accréditer, ou du moins un argument passable à produire.
Mais supposons que le crime puisse se commettre avec sécurité, et qu'un tyran puisse exercer impunément sa scélératesse : quand même il ne craindra point une mort tragique, il sera également