« <233> avec cela a beaucoup d'argent et de troupes, peut se soutenir par ses propres forces, sans l'assistance d'aucun allié, contre les attaques de ses ennemis. »
C'est ce que j'ose très-modestement contredire; je dis même plus, et j'avance qu'un prince, quelque redoutable qu'il soit, ne saurait lui seul résister à des ennemis puissants, et qu'il lui faut nécessairement le secours de quelque allié. Si le plus grand, le plus formidable, le plus puissant prince de l'Europe, si Louis XIV fut sur le point de succomber dans la guerre de la succession d'Espagne, et que, faute d'alliances, il ne put presque plus résister à la ligue redoutable d'une infinité de rois et de princes, qui pensa l'accabler, à plus forte raison tout souverain qui lui est inférieur ne peut-il, sans hasarder beaucoup, demeurer isolé et sans avoir de bonnes et de fortes alliances.
On dit, et cela se répète sans beaucoup de réflexion, que les traités sont inutiles, puisqu'on n'en remplit presque jamais tous les points, et qu'on est moins scrupuleux là-dessus dans notre siècle qu'en tout autre. Je réponds à ceux qui pensent ainsi, que je ne doute nullement qu'ils ne trouvent des exemples anciens et même très-récents de princes qui n'ont point rempli exactement leurs engagements; mais cependant qu'il est toujours très-avantageux de faire des traités, que les alliés que vous vous faites seront, si ce n'est autre chose, autant d'ennemis que vous aurez de moins, et que, s'ils ne vous sont d'aucun secours, vous les réduisez toujours certainement à observer une exacte neutralité.
Machiavel parle ensuite des principini, de ces souverains en miniature qui, n'ayant que de petits États, ne peuvent point mettre d'armée en campagne; et l'auteur appuie beaucoup sur ce qu'ils doivent fortifier leur capitale, afin de s'y enfermer avec leurs troupes en cas de guerre.
Les princes dont parle Machiavel ne sont proprement que des hermaphrodites de souverains et de particuliers; ils ne jouent le rôle