<267> de libéralité dans un sens trop vague; il y a une différence sensible entre un homme prodigue et un homme libéral : le premier dépense tout son bien avec profusion, avec désordre et mal à propos; c'est un excès condamnable, c'est une espèce de folie, c'est un défaut de jugement, et par conséquent il n'est point du caractère d'un prince sage d'être prodigue. L'homme libéral, au contraire, est généreux, il fait tout par raison, la recette est chez lui le baromètre de la dépense, et quoiqu'il soit bienfaisant avec économie, sa compassion pour les malheureux le pousse à s'incommoder et à se priver du superflu pour leur être secourable. Sa bonté n'a d'autres limites que ses forces. C'est là, je le soutiens, une des premières qualités d'un grand prince et de tous ceux qui sont nés pour secourir et pour soulager les misères des autres.
La seconde faute que je reproche à Machiavel, c'est une erreur de caractère. J'appelle une erreur de caractère l'ignorance qui lui fait attribuer à la libéralité les défauts de l'avarice. « Un prince, dit-il, pour soutenir sa réputation d'homme libéral, surchargera ses sujets, recherchera des moyens de confiscation, et sera obligé d'en venir à des voies indignes pour remplir ses coffres. » C'est là précisément le caractère d'un avare; ce fut Vespasien, et non pas Trajan, qui mit des impôts sur le peuple romain. L'avarice est une faim dévorante qui ne se rassasie jamais; c'est un chancre qui ronge toujours à l'entour de lui, et qui consume tout. Un homme avare désire les richesses; il les envie à ceux qui les possèdent, et, s'il peut, il se les approprie. Les hommes intéressés se laissent tenter par l'appât du gain, et les juges avares sont soupçonnés de corruption. Tel est le caractère de ce vice, qu'il éclipse les plus grandes vertus lorsqu'il se trouve réuni dans le même objet.
L'homme libéral est justement l'opposé de l'avare; la bonté et la compassion servent de base à sa générosité. S'il fait du bien, c'est