<59> et ne la donner jamais!a Cette sagesse philosophique est bien éloignée des mœurs de notre siècle, et il est déplorable pour le bien de l'humanité qu'un caractère aussi beau que celui de ce sage ne soit qu'un être de raison.
D'ailleurs, la Henriade ne respire que l'humanité; cette vertu si nécessaire aux princes, ou plutôt leur unique vertu, est sans cesse relevée par M. de Voltaire : il montre un roi victorieux qui pardonne aux vaincus; il conduit ce héros aux murs de Paris, où, au lieu de saccager cette ville rebelle, il fournit les aliments nécessaires à la vie de ses habitants désolés par la famine la plus cruelle; mais, d'un autre côté, il dépeint des couleurs les plus vives l'affreux massacre de la Saint-Barthélemy et la cruauté inouïe avec laquelle Charles IX hâtait lui-même la mort de ses malheureux sujets calvinistes; la sombre politique de Philippe II, les artifices et les intrigues de Sixte-Quint, l'indolence léthargique de Valois, et les faiblesses que l'amour fit commettre à Henri IV, sont appréciées à leur juste valeur. M. de Voltaire accompagne tous ses récits de réflexions courtes, mais excellentes, qui ne peuvent que former le jugement de la jeunesse et donner des vertus et des vices les idées qu'on en doit avoir. Partout, dans ce poëme, l'auteur recommande aux peuples la fidélité pour leurs lois et leurs souverains; il a immortalisé le nom du président de Harlay,b dont la fidélité inviolable pour son maître méritait une pareille récompense; il en fait autant pour les conseillers Brisson, Larcher, Tardif, qui furent mis à mort par les factieux; ce qui fournit à l'auteur la réflexion suivante :
Vos noms toujours fameux vivront dans la mémoire;
Et qui meurt pour son roi meurt toujours avec gloire.c
a Chant VIII, v. 180-204
b Chant IV, v. 439.
c Chant IV, v. 467 et 468.