<62> ce siècle, d'ailleurs si fécond en grands hommes, que par une injustice manifeste.
Les sciences ont ainsi toujours contribué à humaniser les hommes, en les rendant plus doux, plus justes et moins portés aux violences; elles ont pour le moins autant de part que les lois au bien de la société et au bonheur des peuples. Cette façon de penser aimable et douce se communique insensiblement de ceux qui cultivent les arts et les sciences au public et au vulgaire; elle passe de la cour à la ville, et de la ville dans les provinces. On voit alors avec évidence que la nature ne nous forma point assurément pour que nous nous exterminions dans le monde, mais pour que nous nous assistions dans nos communs besoins; que le malheur, les infirmités et la mort nous poursuivent sans cesse, et que c'est une démence extrême de multiplier les causes de nos misères et de notre destruction. On reconnaît, malgré la différence des conditions, l'égalité que la nature a mise entre nous, la nécessité qu'il y a de vivre unis et en paix, de quelque nation, de quelque opinion que nous soyons; que l'amitié et la compassion sont des devoirs universels : en un mot, la réflexion corrige en nous tous les défauts du tempérament.
Tel est le véritable usage des sciences, et voilà par conséquent la règle de l'obligation que nous devons avoir à ceux qui les cultivent et qui tâchent d'en fixer l'usage parmi nous. M. de Voltaire, qui embrasse toutes ces sciences, m'a toujours paru mériter une part à la gratitude du public, et d'autant plus grande, qu'il ne vit et ne travaille que pour le bien de l'humanité. Cette réflexion, et le désir que j'ai eu toute ma vie de rendre hommage à la vérité, m'ont déterminé à procurer cette édition au public; je l'ai rendue aussi digne qu'il m'a été possible de M. de Voltaire et de ses lecteurs.
En un mot, il m'a paru que donner des marques d'estime à cet admirable auteur, c'était en quelque façon honorer notre siècle,