<111> nous sont fournis par des principes de l'amour-propre. Le dévouement généreux des deux Décius, qui sacrifièrent volontairement leur propre vie pour procurer la victoire à leur patrie, d'où provenait-il, si ce n'est qu'ils estimaient moins leur existence que la gloire? Pourquoi Scipion, dans sa première jeunesse, dans cet âge où les passions sont si dangereuses, résiste-t-il aux tentations que lui donne la beauté de sa captive? Pourquoi la rend-il vierge à son fiancé, en les comblant tous deux de présents? Pouvons-nous douter que ce héros n'ait jugé que son procédé noble et généreux lui ferait plus d'honneur que s'il avait brutalement assouvi ses désirs? Il préférait donc la réputation à la volupté.
Que de traits de vertu, que d'actions à jamais glorieuses ne sont effectivement dues qu'à l'instinct de l'amour-propre! Par un sentiment secret et presque imperceptible, les hommes ramènent tout à eux-mêmes; ils se placent dans un centre où aboutissent toutes les lignes de la circonférence. Quelque bien qu'ils fassent, ils en sont eux-mêmes l'objet caché; la sensation la plus vive l'emporte chez eux sur la plus faible; souvent un syllogisme vicieux dont ils ne sentent pas les défauts les détermine. Il ne faut donc que leur présenter les vrais biens, leur eh faire connaître la valeur, et savoir manier leurs passions en opposant un penchant à l'autre, pour en tirer avantage en faveur de la vertu.
S'agit-il d'arrêter le crime prêt à se commettre, vous trouvez le principe réprimant dans la crainte des lois qui le punissent. C'est alors qu'il faut exciter cet amour que chaque homme a pour sa conservation, pour l'opposer aux desseins pervers qui l'exposeront aux plus rigoureux châtiments, à la mort même. Cet amour de sa conservation peut servir également pour ramener des débauchés dont les débordements ruinent la santé et abrégent les jours; de même contre ceux qui sont sujets aux emportements de la colère, car il y a des exemples que ces mouvements ont donné des accès d'épilepsie à ceux