IV. LETTRE DE PHILOPATROS.
Je croyais, mon cher ami, avoir satisfait votre curiosité en vous exposant dans leur liaison mes opinions touchant les devoirs des citoyens; mais en voici bien d'une autre. Je vois que vous voulez me mettre aux prises avec Épicure. Ce n'est pas un rude adversaire; aussi je ne refuse pas le combat, et puisque vous m'avez introduit dans la lice, je ferai de mon mieux pour fournir ma carrière. Cependant, pour ne point embrouiller les choses, je suivrai vos objections selon l'ordre dans lequel vous les rapportez dans votre lettre.
Je commencerai donc par vous faire remarquer qu'il ne suffit pas à un honnête homme de ne point être criminel; il doit être vertueux. S'il ne transgresse pas les lois, il évite les punitions; mais s'il n'est ni serviable, ni officieux, ni utile, il est sans mérite, et par conséquent il faut qu'il renonce à l'estime du public. Vous conviendrez donc que vous êtes engagé par votre propre avantage à ne vous pas séparer de la société, et même à travailler avec zèle à tout ce qui lui peut être bon et utile. Quoi! vous croiriez que l'amour de la patrie est une vertu idéale, quand tant d'exemples dans tant d'histoires témoignent combien cet amour a produit de grandes choses, en élevant des hommes véritablement sublimes au-dessus de l'humanité, et en leur inspirant les plus nobles et les plus fameuses entreprises! Le bien de la société est le vôtre. Vous êtes si fortement lié avec votre patrie, sans le savoir, que vous ne pouvez ni vous isoler ni vous séparer d'elle sans vous ressentir vous-même de votre faute. Si le gouvernement est heureux, vous prospérerez; s'il souffre, le contre-