<26> avant eux, qu'ils n'ont osé abolir sans choquer les préjugés de la nation; ils ont respecté la coutume, qui les fait regarder comme bonnes; et ils ont adopté ces usages, quoiqu'ils ne soient pas équitables, purement en faveur de leur antiquité.
Quiconque s'est donné la peine d'examiner les lois avec un esprit philosophique en aura sans doute trouvé beaucoup qui d'abord paraissent contraires à l'équité naturelle, et qui cependant ne le sont pas. Je me contente de citer le droit de primogéniture. Il paraît que rien n'est plus juste que de partager la succession paternelle en portions égales entre tous les enfants. Cependant l'expérience prouve que les plus puissants héritages, subdivisés en beaucoup de parties, réduisent avec le temps des familles opulentes à l'indigence; ce qui a fait que des pères ont mieux aimé déshériter leurs cadets que de préparer à leur maison une décadence certaine. Et par la même raison, des lois qui paraissent gênantes et dures à quelques particuliers n'en sont pas moins sages, dès qu'elles tendent à l'avantage de la société entière; c'est un tout auquel un législateur éclairé sacrifiera constamment les parties.
Les lois qui regardent les débiteurs sont sans contredit celles qui exigent le plus de circonspection et de prudence de la part de ceux qui les publient. Si ces lois favorisent les créanciers, la condition des débiteurs devient trop dure; un malheureux hasard peut ruiner à jamais leur fortune. Si, au contraire, cette loi leur est avantageuse, elle altère la confiance publique, en infirmant des contrats qui sont fondés sur la bonne foi.
Ce juste milieu qui, en maintenant la validité des contrats, n'opprime pas les débiteurs insolvables, me paraît la pierre philosophale de la jurisprudence.
Nous ne nous étendrons pas davantage sur cet article : la nature de cet ouvrage ne nous permet point d'entrer dans un plus grand détail; nous nous bornons aux réflexions générales.