<53> royaumes électifs : peut-être feront-ils fortune et les croira-t-on sur leur parole; au moins leur ingénuité nouvelle épargnerait-elle aux lecteurs l'ennui d'autres atrocités et d'autres impertinences. Si le peuple était sensé, on pourrait se rire des libelles, quels qu'ils fussent; mais ces indignes écrits sont un mal réel, parce que le monde peu instruit, enclin à croire le mal plutôt que le bien, reçoit avidement de mauvaises impressions qu'il est difficile de déraciner; de là naissent des préjugés souvent préjudiciables aux monarques mêmes.
Jamais nations n'ont poussé la satire plus loin que les Anglais et les Français; il n'y a guère d'homme connu dans ces monarchies qui n'ait essuyé quelques éclaboussures en passant. Quelles horreurs n'a-t-on pas publiées du Régent, duc d'Orléans! à quels excès ne s'est-on pas emporté contre Louis XIV même!
Louis XIV ne méritait cependant ni les louanges outrées ni les injures atroces dont il a été accablé. Ce prince avait été élevé dans une ignorance crasse; les amusements de sa première jeunesse furent de servir la messe au cardinal Mazarin; il était né avec du bon sens, sensible à l'honneur, plus vain qu'ambitieux; lui, qu'on accusa d'aspirer à la monarchie universelle, était plus flatté de la soumission du doge de Gênes que des triomphes de ses généraux sur les ennemis. Louis XIV eut des faiblesses; personne n'ignore ses attachements pour quelques dames de sa cour, que madame de Maintenon l'emporta sur les autres, et que, pour concilier sa conscience et son amour, il l'épousa secrètement; de là ces cris et ces clameurs, comme si tout le royaume allait périr, parce que le Roi avait le cœur sensible. Pendant que tant de libelles le déchiraient, lui et sa maîtresse, depuis sa cour jusqu'au plus petit commis de Paris, et ceux même qui écrivaient avec tant d'indécence contre lui, chacun avait sa maîtresse, et l'on condamnait comme un crime dans la conduite du Roi ce qu'on ne désapprouvait pas dans celle du moindre de ses sujets. C'est à ces