<117>fit tout ce qu'on pouvait attendre d'un prince blessé et porté sur des brancards. Pierre Alexeiwitsch, qui n'avait été que législateur jusqu'alors, assisté de Menschikoff, marqua dans cette journée qu'il possédait les parties d'un grand capitaine, et que ses ennemis lui avaient appris à vaincre. Tout était fatal aux Suédois : la blessure de leur roi qui l'empêchait d'agir, la misère qui leur ôtait les forces pour combattre, un corps détaché qui s'égara le jour de cette bataille décisive, le nombre de leurs ennemis, et le temps qu'ils avaient eu d'élever des redoutes et de disposer avantageusement leurs troupes; enfin les Suédois furent battus, et perdirent, par un instant décisif et malheureux, le fruit de neuf années de travaux et de tant de prodiges de valeur. Charles XII fut réduit à chercher un asile chez les Turcs : ses haines implacables le suivirent à Bender, d'où il essaya vainement par ses intrigues de soulever la Porte contre les Moscovites; il devint ainsi la victime de son inflexibilité d'esprit, qu'on aurait appelée opiniâtreté, s'il n'eut pas été un héros. Après cette défaite, l'armée suédoise mit bas les armes devant le Czar, aux bords du Borysthène, comme l'armée moscovite l'avait fait devant Charles XII, aux rives de la Baltique, après la bataille de Narwa.
Auguste, qui vit son antagoniste renversé, se crut dégagé de sa parole et du traité d'Alt-Ranstädt; il s'aboucha à Berlin avec le roi de Danemark et Frédéric Ier, ensuite de quoi Auguste rentra avec une armée en Pologne; et le roi de Danemark attaqua les Suédois en Scanie. Frédéric Ier, que ces puissances ne purent ébranler, demeura neutre.
En Pologne, tous les partisans des Suédois se tournèrent du côté des Saxons. Stanislas était auprès de l'armée suédoise que Krassow commandait. Ce général, se trouvant resserré par les Moscovites et les Saxons, traversa la Nouvelle-Marche, et se rendit à Stettin, sans qu'il en pût demander la permission à Frédéric Ier, qui voyait avec déplaisir ces passages et ces armées nombreuses dans son voisinage.
Le Roi fit un voyage à Königsberg, où il obtint du Czar,a
a C'est à Marienwerder qu'eut lieu, en octobre 1709, l'entrevue entre Frédéric Ier et Pierre le Grand. La peste avait éclaté en septembre à Königsberg; et dès le mois de novembre, la ville était entièrement cernée par un cordon sanitaire.