<135>passer à gué, tourner le retranchement par sa gauche, et prendre les ennemis en flanc et à dos.

Ce projet fut heureusement exécuté : on attaqua les Suédois de nuit; tandis qu'un corps marchait droit au retranchement, un autre passait la mer proche du rivage, et se trouva dans leur camp avant même qu'ils s'en aperçussent. La surprise d'une attaque inopinée, la confusion qui est inséparable de toutes les affaires de nuit, et surtout le corps considérable qui leur tombait en flanc, les mit promptement en déroute; ils abandonnèrent leur retranchement, et se sauvèrent vers la ville. Charles XII, au désespoir d'être abandonné de ses troupes, voulut combattre seul. Ses généraux ne le sauvèrent qu'à peine de la poursuite des assiégeants; tout ce qui ne gagna pas promptement Stralsund, fut tué ou fait prisonnier. Le nombre de ceux qu'on prit ce jour-là passait quatre cents hommes.

Pour resserrer entièrement la ville, il fut résolu de se rendre maître de l'île de Rügen, d'où les assiégés pouvaient encore tirer quelque secours. Le prince d'Anhalt, à la tête de vingt mille hommes, passa, sur des vaisseaux de transport, le bras de mer qui sépare la Poméranie de cette île. Cette flotte conservait l'ordre de bataille que les troupes observent sur terre. On fit mine d'aborder à l'île du côté de l'orient; mais, tournant tout d'un coup à gauche, le prince d'Anhalt débarqua ses troupes au petit port de Stresow, où l'ennemi ne l'attendait point. Il se posta en quart de cercle, de sorte que ses deux ailes étaient appuyées à la mer; il fit travailler avec beaucoup de diligence à des retranchements, qu'il fortifia de chevaux de frise. Sa disposition était telle, que deux lignes d'infanterie soutenaient le retranchement; la cavalerie formait la troisième, à l'exception de six escadrons, qu'il avait postés au dehors de ses lignes, afin d'être à portée de tomber sur le flanc gauche de ceux qui pourraient venir l'attaquer de ce côté-là.

Charles XII, trompé par la feinte du prince d'Anhalt, ne put arriver à temps pour s'opposer à son débarquement. Connaissant l'importance de cette île, quoiqu'il n'eût que quatre mille hommes, il s'avança de nuit vers le prince d'Anhalt, tant pour lui cacher le petit nombre de ses troupes, que dans l'espérance de le sur-